FICTIONS LGBT

Snö (série, 2012) : Stockholm, les années Sida

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Suède, années 80. Rasmus quitte enfin le foyer familial pour aller à Stockholm où il va vivre chez une tante le laissant vaquer à ses occupations comme bon lui semble. A peine arrivé dans la grande ville, il fait un détour par une gare, connue pour être fréquentée la nuit par de nombreux garçons en quête d’étreintes viriles. N’ayant jamais pu s’affirmer jusqu’alors, le jeune homme goûte à la liberté, à ses premières nuits de plaisir qui ne nécessitent pas de suite. Il fait la connaissance d’un homme plus âgé, homo hyper affirmé et un tantinet excentrique : Paul. Ce dernier le convie à sa fête de Noël où il lui certifie qu’il pourra rencontrer de belles personnes. Et ça ne manque pas : ce soir-là, Rasmus fait la connaissance du beau et naïf Benjamin, un témoin de Jéhovah. Il était venu quelques temps plus tôt chez Paul pour prêcher sa bonne parole. Paul lui avait alors demandé, avec sa franchise habituelle, s’il était conscient d’être gay. Un tournant dans la vie de ce garçon, ayant reçu une éducation très stricte et ayant toujours refoulé ses pulsions et sentiments profonds. Comme Rasmus, Benjamin est venu à la soirée dans l’espoir de faire une heureuse rencontre. Ils repartent ensemble, c’est le coup de foudre, ils ne tarderont pas à se trouver un appartement où vivre à deux. Mais le temps passe et Rasmus ne supporte plus d’être l’éternel secret de Benjamin, refusant d’avouer à ses parents qu’il est gay. Leur couple vacille : Rasmus couche avec d’autres hommes, aimerait que sa relation avec Benjamin soit plus ouverte tandis que celui-ci ne fait que l’attendre, souffrant de plus en plus de voir celui qu’il aime lui échapper. Leur romance va virer au drame quand Rasmus va découvrir que, comme plusieurs de ses amis, il est contaminé par le virus du Sida…

Mini-série composée de 3 épisodes de moins d’une heure chacun, Snö (Don’t ever wipe tears without gloves en VO – projet ayant également circulé sous le titre Never wipe tears without gloves) nous vient de Suède où sa diffusion a suscité beaucoup d’émotion. C’est une occasion rare de se plonger dans le Stockholm des années 1980. On y retrouve les ères de drague (gare, bars plus ou moins atypiques, rencontres dans la rue à l’angle d’un sex shop…), la soif de liberté, de vivre sa vie affective et sexuelle à une époque où les homosexuels sont encore considérés comme des pestiférés. Dès les premières minutes, le show nous présente l’un de ses deux personnages principaux, Rasmus, sur son lit de mort. Les images sont crues, la maladie est montrée dans toute sa violence. Et on découvre aussi une certaine cruauté provenant du milieu hospitalier qui inspire le titre de cette fiction : on ne veut surtout pas toucher les malades et même si l’on essuie des larmes, on enlève pas ses gants. Une métaphore pour les familles de tous ces jeunes gays, morts subitement et dont on a tenu a cacher l’homosexualité durant les funérailles, prétextant qu’ils avaient succombé à un cancer. Il eut été trop honteux de révéler la vraie cause de leur mort, leur véritable identité…

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Le propos et le sujet sont assez forts , bien qu’ils aient été traités déjà plusieurs fois au cinéma. Si la série dispose d’un charme suédois, elle ne parvient toutefois pas tout à fait à convaincre. La faute à une réalisation particulièrement lourde. Abus de flashbacks sur-signifiants, la même voix off et les mêmes scènes qui se répètent au cas où on aurait pas compris la première fois, des ralentis au goût douteux, une musique de mélo formatée pour faire pleurer dans les chaumières… Don’t ever wipe tears without gloves est loin d’être toujours subtile. La vraie mauvaise idée des scénaristes est d’insister sur l’enfance de ses deux héros tragiques. Une façon de nous dire que même en ayant grandi, Rasmus et Benjamin sont comme deux enfants perdus face à un monde, des proches qui refusent de les accepter tels qu’ils sont, confrontés à une maladie qui avait tout du mystère et qui provoquait des morts fulgurantes. Point de vue intéressant mais malheureusement mal exploité, les passages revenant sur l’enfance étant lourdement filmés, s’apparentant à d’horribles publicités. La série est clairement conçue dans le but de toucher le plus grand nombre mais il y avait d’autres moyens que d’user d’un langage télévisuel consensuel, finalement assez cliché, pour rendre accessibles les destins de ces jeunes gays victimes de leur envie d’aimer.

Si le divertissement n’est pas toujours des plus raffinés, il parvient néanmoins à nous présenter une histoire d’amour attachante entre deux garçons parfaitement assortis. Rasmus, blond aux cheveux frisés, coquin, épris de liberté, trouve l’homme de sa vie en Benjamin, témoin de Jéovah, amoureux dévoué, romantique jusqu’au désespoir. Ce dernier est indéniablement le personnage le plus fort , le plus touchant et le mieux traité. Le fait qu’il soit témoin de Jéovah n’apparait que comme une donnée parmi d’autres, comme pourrait l’être son homosexualité. Un vrai héros romantique, à la fois plus à vif et plus courageux qu’il n’y paraît. Il restera avec Rasmus jusqu’au bout, survivra à l’abandon de sa famille refusant de l’accepter tel qu’il est, restera fidèle à ses principes, à son grand amour…

Cette love story qui brille au milieu d’une société aussi dure qu’hypocrite fait mouche et mérite qu’on s’attarde sur une mini-série qui aurait beaucoup gagné si elle avait hérité d’une réalisation plus audacieuse.

Série présentée au Marais Film Festival 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3