FICTIONS LGBT
SOLO de Marcelo Briem Stamm : rencontre d’un soir et danger
Argentine. Un soir, le séduisant Manuel (Patricio Ramos) dialogue sur un site de rencontres et est émoustillé par l’une de ses conversations avec un certain Julio (Mario Veron), qui refuse de lui envoyer une photo de son visage. Alors que ce dernier insiste en lui assurant qu’il ne sera pas déçu, il se laisse tenter et se retrouve à l’attendre au milieu de la rue afin de l’amener chez lui. Soulagement : Julio se révèle être un très joli garçon. Les deux beaux gosses vont passer la soirée chez Manuel, prenant un verre, se racontant, alors que la tension sexuelle monte. Manuel se livre beaucoup, raconte sa dernière et récente déception sentimentale avec un homme plus âgé qui lui a fait découvrir l’amour avant d’abuser de sa naïveté, le plongeant dans des expériences sexuelles diverses parfois extrêmes (plan à trois, gang bang…). Julio, qui lui se raconte nettement moins, apparaît touché par ce récit sensible et un Manuel aussi craquant que vulnérable. Ils finissent au lit. Mais une fois l’orgasme passé, Manuel tente de mettre à la porte son hôte, prétendant que le lendemain une amie doit le retrouver tôt chez lui. Julio prend très mal la situation : il a l’impression de se faire jeter après avoir été utilisé, alors que Manuel lui avait laissé entrevoir un possible début de relation. La réaction excessive du garçon qui s’estime avoir été manipulé, qui se dit fatigué de se retrouver en permanence face à des menteurs qui ne veulent que du sexe, est assez inquiétante. Manuel, apeuré, finit pourtant par le laisser rester alors qu’il s’excuse et insinue qu’il pourrait avoir envie de se laisser prendre pour la première fois… Au fil de la nuit, les masques vont tomber et le désir céder la place au danger…
Premier long-métrage de Marcelo Briem Stamm, Solo est un huis clos au scénario habile qui ne manquera pas de surprendre le spectateur. Réalisé avec un tout petit budget de 30 000 euros, le film ne manque pas de ressources pour maintenir la tension. Le point de départ est on ne peut plus ordinaire : deux beaux garçons se rencontrent pour un plan cul. Pas de « plan direct » ici, plutôt une rencontre détendue (même si l’un des deux refuse d’envoyer sa photo) autour d’un verre. Le réalisateur nous pousse déjà à nous interroger sur le risque que prend le personnage de Manuel : il attend au milieu de la rue, en pleine nuit, un inconnu dont il ne sait absolument rien. Séduit, il l’invite chez lui. Les premières scènes sont à la fois sexy et sensibles, jouent sur la magie de la rencontre, la montée du désir. Les yeux pétillent, l’envie d’amener l’autre dans son lit est de plus en plus forte. C’est après que les choses se corsent et que l’on bascule dans un thriller assez jouissif.
Le principe du plan cul organisé par Internet est déjà risqué à la base : dans le but de satisfaire ses pulsions, de s’oublier un peu, Manuel fait venir chez lui quelqu’un qu’il ne connait pas et qui se révélera progressivement instable sentimentalement. Julio lui avait promis un moment chaud mais sur place il semble plutôt chercher l’amour, est offensif quand il dit douter de la sincérité de celui qu’il a en face à lui, laisse entrevoir un caractère violent. Et si Manuel avait laissé entrer chez lui quelqu’un qui pouvait lui faire du mal ? L’envie de prendre son pied peut parfois faire oublier le danger. Julio apparaît comme une énigme, sentimental et extrêmement fragile, capable d’être dur et menaçant. Il est aussi attirant qu’inquiétant. Mais est-il lui même honnête ? N’y avait-il pas une raison claire pour qu’il refuse de donner sa photo ? A l’inverse, l’expansif Manuel est-il si sincère qu’il prétend l’être ? Ne cache-t-il pas lui aussi quelques chose ?
Le temps d’une rencontre, chacun peut arrondir les angles, réécrire son histoire pour se rendre plus attrayant, cacher ce qu’il y a de plus noir. En creusant, Julio et Manuel se donnent l’illusion de vivre un moment unique, un coup de foudre, et laissent échapper des éléments de leur personnalité qu’il aurait mieux valu, pour l’un comme pour l’autre, ne pas dévoiler. Final surprenant assuré, scénario malin et mise en scène efficace bien qu’un peu lourde par moments (les flash backs sont un peu redondants). Les images et situations oscillent en permanence entre romantisme, excitation et suspicion. Très divertissant, Solo est une variation sexy (les deux acteurs sont à tomber et les scènes de roulage de pelles sous la couette dans le plus simple appareil sont légion) sur le thème de la solitude, de la rencontre, du mystère et de la menace que représente l’autre. Après ça, vous ne prévoirez peut-être plus vos plans culs avec la même insouciance…
Film produit en 2013 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen