FICTIONS LGBT
STAND de Jonathan Taïeb : engagé
Moscou. Alors que Anton et son petit ami Vlad rentrent chez eux en voiture en passant par un chemin inhabituel, ils aperçoivent un garçon se faire sauvagement agressé. Anton insiste pour que son compagnon arrête la voiture afin qu’il puisse venir en aide à la victime mais ce dernier ne s’exécute pas, de peur que la situation dégénère et se retourne contre eux.
Les jours qui suivent, une agression par un groupe néo-nazi est furtivement relayée par les médias. Anton est persuadé qu’il s’agit de la scène à laquelle il a assisté et qu’il est question d’une attaque homophobe. Ne se remettant pas de ne pas avoir pu porter secours à cet inconnu, il tient à le rencontrer. Mais il apprend qu’il est mort suite à l’incident. La police clôt le dossier dans l’indifférence, l’affaire est déjà oubliée.
Se faisant passer pour des journalistes, Anton et Vlad essaient de rencontrer la mère du défunt afin d’avoir plus d’informations et alerter les médias. Mais elle refuse de s’exprimer. La victime avait néanmoins une sœur qui leur délivre de précieuses informations : avant d’être attaqué, le jeune homme avait prévu de rencontrer un garçon via un site de rencontres. Désormais persuadé qu’il est question d’un crime homophobe, Anton mène l’enquête.
Comme d’autres avant et après lui, le jeune gay à qui l’on a enlevé la vie a été assailli par un groupe extrémiste le tabassant, le torturant et l’humiliant en lui donnant un faux rencard. Dans certains cas, les brimades sont filmées et diffusées sur le web.
Bien qu’épaulé par une jeune journaliste en devenir rencontrée chez une femme pour laquelle il travaille à domicile, Anton peine à avancer, à trouver des pistes. Vlad tente de l’aider du mieux qu’il peut, de le soutenir, mais il se sent de plus en plus impuissant face à cet engagement militant qui finit par tourner à l’obsession. Leur couple se fragilise à mesure que le jeune homme pense approcher de la vérité, toujours porté par l’espoir de pouvoir trouver et condamner les coupables…
Tourné clandestinement en Ukraine, en équipe réduite et en à peine une dizaine de jours, Stand montre les dégâts provoqués par les lois « contre la propagande homosexuelle » en Russie. En stigmatisant violemment la communauté LGBT, on laisse la porte ouverte à la haine et aux agressions les plus inhumaines. Le film nous montre le quotidien étouffant d’un jeune héros gay humaniste et militant qui ne se pardonne pas de n’avoir pu venir en aide à une victime d’agression. Suite à la vision de cet incident, il entend trouver les coupables, faire avancer les choses, comme pour être en paix avec lui-même et plus globalement avec la société dans laquelle il évolue. Alors qu’il se balade dans les rues, il perçoit le climat d’homophobie, de violence, à partir d’élément plus ou moins explicites ou pernicieux.
A l’enquête en mode thriller se mêle le portrait attachant et émouvant d’un couple. Si Vlad n’a pas voulu arrêter la voiture le soir du drame, c’est parce qu’il voulait avant tout protéger son copain, ne pas le laisser aller jouer au sauveur et se retrouver à son tour agressé. Anton refuse de l’entendre et finit par consacrer tout son temps libre à la tentative de résolution de son enquête. Face à cette « lubie », son partenaire essaie de s’adapter. Ils vivent dans un premier temps, complices, cette aventure. Mais progressivement, Vlad ne parvient plus à contenir sa moitié, comprend qu’il lui en veut, qu’il le tient quasiment pour responsable de la mort de la victime.
Entre moments tendres, craquants, plus empreints de doute ou de réelle tension, le long-métrage de Jonathan Taïeb dépeint un couple plein d’amour se retrouvant malgré lui dans la tourmente. Subtilement, les questions de l’engagement (dans tous les domaines) et du militantisme sont abordées. Jusqu’où peut-on ou faut-il aller pour tenter de faire avancer les choses, pour sauver son couple ? Ne doit-on pas à un moment penser davantage à soi ? Est-ce que cela vaut le coup de risquer sa vie pour une cause ? Anton est-il plus fou ou plus courageux que Vlad ?
A la fois politique et personnel, doté d’un final coup de poing et glaçant, le projet s’avère bien exécuté, maîtrisé, et les conditions de tournage particulières ne se ressentent quasiment pas (si l’on veut chipoter on pourra toujours trouver quelques petites maladresses de montage ou des effets parfois un chouïa lourds mais cela passe tout seul tant l’ensemble résonne avec l’actualité et se révèle bien incarné). Oeuvre intense, à l’engagement précieux, portée avec fougue, Stand révolte, dérange, provoque le débat. Nécessaire.
Film sorti en 2015 et disponible en VOD