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STRANGE WAY OF LIFE de Pedro Almodóvar : cowboys gays et ambiguïté

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Court-métrage de 31 minutes produit par la maison Saint Laurent, Strange Way of Life est l’occasion pour Pedro Almodóvar de se faire plaisir avec une petite pastille en très bonne compagnie (Pedro Pascal et Ethan Hawke y tiennent les rôles principaux) qui revisite à la sauce gay les motifs du genre western. Un bonbon pour les yeux qui nous laisse toutefois sur notre faim. 

Jake (Ethan Hawke) est le shérif d’une petite bourgade. Il reçoit un jour la visite de Silva (Pedro Pascal) un homme qui a marqué sa jeunesse. 25 années auparavant ils étaient inséparables et officiaient comme tueurs à gages. Leur amitié virile s’était transformée le temps d’un été en passion torride. Une passion que ni l’un ni l’autre n’a jamais pu assumer. 

Les retrouvailles sont chargées en non dits et le désir grimpe petit à petit… Mais Silva est-il vraiment de retour guidé par un amour nostalgique ou vient-il manipuler son ancien amant devenu shérif ? Il se trouve en effet que le fils de Silva est suspecté dans une affaire de meurtre qui pourrait lui coûter très cher… 

strange way of life film

On n’attendait sûrement pas Pedro Almodóvar en réalisateur de western et c’est l’un des plaisirs de ce film qui s’amuse avec un plaisir contagieux à faire déborder d’homoérotisme un genre d’habitude très codé et hétéro. Les cowboys virils sont ici toujours aussi taiseux mais peuvent assumer dans l’intimité certains plaisirs entre bonhommes. La vision du postérieur de Pedro Pascal allongé au lit est un délice et une image de cinéma marquante. L’ambiguïté de la relation entre Jake et Silva marche très bien (il n’est pas aisé de dire si Silva est sincère ou s’il manipule son ancien acolyte, la vérité se trouve probablement dans une zone grise, entre les deux). Il y a quelque chose de jouissif et de touchant dans la façon qu’ont ces deux « mecs mecs » de se regarder, se désirer, ne pas vraiment oser affirmer leur amour et leur désir d’être ensemble. 

Cerise sur le gateau : de petits flashbacks envoûtants et notamment une scène à la sensualité abrasive entre Jason Fernandez et José Condessa (les versions jeunes des deux personnages principaux). 

Le film a absolument tout pour être une oeuvre cinématographique marquante… mais il lui manque une heure de métrage. Alors que débarque le générique de fin, la frustration est grande. Tout est passé très vite, trop vite, on a l’impression de n’avoir vu qu’une esquisse, tout aurait mérité a être plus creusé. C’est d’autant plus rageant que l’ensemble est très bon. On a l’impression d’avoir assisté à un mirage, le goût d’une promesse pas tout à fait tenue. Il ne faut pas bouder son plaisir pour autant mais Pedro Almodóvar semble avoir laissé s’échapper ici un film qui aurait pu vraiment compter dans sa filmographie. 

Enfin, petit avertissement pour les fans du bogosse Manu Rios : si l’annonce de sa présence au générique avait fait beaucoup parler et monter l’excitation, au final son rôle est de l’ordre du caméo et est hélas maladroitement amené (la caméra transcende sa beauté cinégénique mais Almodóvar a eu la curieuse idée de le faire chanter avec une voix par dessus la sienne qui ne colle pas du tout). 

Film sorti au cinéma le 16 août 2023

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3