FICTIONS LGBT
TAB HUNTER CONFIDENTIAL de Jeffrey Schwarz : le placard d’Hollywood
Tab Hunter n’a pas nécessairement marqué les esprits cinéphiles contrairement à ses camarades James Dean ou Paul Newman. Mais il fut dans les années 1950 et 1960 l’une des plus grandes stars masculines d’Hollywood. Ce documentaire retrace la vie du « gendre idéal américain » entre succès vertigineux et mensonges. Celui dont le vrai nom était Arthur Kelm a en effet dû jouer un rôle au-delà des plateaux de tournage, ne pouvant assumer son homosexualité à une période où celle-ci était condamnée, pouvait briser des carrières ou valoir un séjour sous les barreaux.
Le réalisateur Jeffrey Schwarz nous offre un captivant voyage à travers le temps, nous replongeant avec délice au coeur de l’atmosphère des années 1950. Après une enfance difficile (un père violent et absent, une mère se crevant au travail pour ses deux fils), le jeune Arthur cherche sa voie. Il a de nombreuses cordes à son arc : cavalier passionné, patineur doué, un physique de playboy blond lisse qui fait craquer les minettes. Alors qu’il enchaîne les petits boulots à Los Angeles, il fait une série de rencontres qui lui permettent d’être mis sous la coupe de l’un des agents les plus influents d’Hollywood, s’occupant également de Rock Hudson. Tab Hunter est né et fait des débuts contrastés devant la caméra, s’illustrant dans des films pas toujours très recommandables. Mais sa beauté ensorcelle et il va devenir la nouvelle coqueluche des touts puissants studios Warner.
Le documentaire alterne confidences de Tab Hunter, de son entourage, photographies joliment animées, extraits de films et archives. Pour les amoureux du cinéma classique, le temps file à toute allure et le long-métrage est un régal de chaque instant, riche en anecdotes. Outre son parcours familial émouvant (une mère malade qu’il a dû interner, un frère modèle sacrifié au Vietnam), « Tab Hunter Confidental » oppose la success story du jeune américain (tête d’affiche de nombreux cartons commerciaux, dont des collaborations prestigieuses avec des réalisateurs tels que Stanley Donen, Sidney Lumet, Jacques Tourneur ou même John Waters / chanteur à succès qui aurait été à l’origine de la création de Warner Bros Records / star des planches et du petit écran où il obtenu quelques-uns des rôles les plus intéressants de sa carrière) au malaise de sa vie privée.
Très croyant durant sa jeunesse, Tab Hunter a souffert du discours de l’Eglise condamnant ses désirs pour d’autres garçons. De quoi lui faire vivre toute une partie de sa vie dans la honte et la haine de lui-même. Comme il le confie face caméra, Tab Hunter ne s’autorisait pas vraiment de lâcher prise avec les hommes car au fond de lui il se disait que c’était mal mais il n’arrivait pas non plus à se mettre en couple ou se marier avec une femme car il sentait que cela sonnait terriblement faux. A l’époque, il fallait jouer le jeu des studios et l’icône des jeunes a plus qu’assuré le job : il multipliait les apparitions aux avant-premières et faisait les couvertures de magazines aux bras de Natalie Wood avec qui il formait un couple bidon; sur les plateaux télé, il séduisait ses jeunes fans en campant son personnage de jeune gentleman au coeur à prendre.
Loin des projecteurs, Tab entretenait malgré tout des romances avec des hommes : un amour contrarié avec un patineur, une passion avec Anthony Perkins sacrifiée par l’ambition de ce dernier, une grande romance toujours d’actualité avec le producteur Allan Glaser (partenaire de Tab Hunter qui coproduit ce film). Des rumeurs sur son orientation sexuelle ont toujours circulé mais les studios parvenaient à tout étouffer. Quand la star a décidé de racheter son contrat à Warner Bros pour jouir de plus d’indépendance, elle n’avait plus le pouvoir de manipuler les titres de presse et ceux-ci ont fait ressortir de nombreuses anecdotes.
Victime des commérages, d’une image jugée trop lisse qui lui a valu d’être catalogué comme un beau garçon sans beaucoup de talent, Tab Hunter a dû faire face à des revers après son ascension fulgurante. Après Hollywood, de la télévision, des diners-spectacles. Quelques retours dans la lumière et puis une fatigue, l’envie de quitter ce monde des faux-semblants pour se retrouver, s’épanouir, oser suivre ses désirs loin des flashs.
Outre le portrait touchant et non dénué d’humour d’une célébrité des années 1950-60 contrainte de rester dans le placard, « Tab Hunter Confidential » raconte beaucoup de choses sur l’homophobie latente d’Hollywood, son hypocrisie et ses mensonges glamourisés. Une époque pas si révolue que ça d’après l’acteur Noah Wyle (de la série « Urgences » avec George Clooney) qui confirme qu’aujourd’hui encore Hollywood regorge de stars gays dans le placard et montant des love stories bidons de peur que leur homosexualité ne les prive de grands rôles.
Film produit en 2015 et disponible en DVD, VOD eu sur Mycanal