FICTIONS LGBT
THE HAPPY SAD de Rodney Evans : l’après rencontre
New York. Annie (Sorel Carradine), professeur, décide de faire un break avec son petit ami Stan (Cameron Scoggins). Il est plus jeune qu’elle, il n’a pas de travail fixe et passe tout son temps à jouer de la musique au sein de son groupe. Pour ne pas trop le blesser, elle lui fait croire qu’elle prend ses distances car elle a entamé une liaison avec Mandy, une de ses collègues. Un mensonge qui finit par devenir vrai, les deux femmes se rapprochant alors que Mandy traverse une période difficile (son père va très mal et va se faire amputer des bras).
Sous le choc, Stan se met à explorer en secret sa propre sexualité et couche avec un homme, Marcus (Leroy McClain). Ils entament une relation clandestine. Marcus, homme noir séduisant et sûr de lui en apparence, est en couple depuis 6 ans avec Aaron (Charlie Barnett). Ils viennent de décider ensemble d’ouvrir leur relation avec pour seul règle de ne pas tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Mais ce pacte a vite fait de trouver ses limites, Marcus se laissant dévorer par son attirance pour Stan. Le temps de quelques semaines, ces filles et ces garçons vont se croiser, s’aimer et se blesser tout en cherchant à trouver la façon d’aimer qui pourrait leur convenir.
Réalisateur de Brother to Brother, Rodney Evans s’attaque avec The Happy Sad à un sujet plus sentimental. Bénéficiant d’une mise en scène délicate et intimiste, ce nouveau long-métrage oppose deux couples new yorkais, l’un blanc et à priori hétéro et l’autre noir et homo. Progressivement les étiquettes et identités vacillent. Qu’est-ce qu’une relation qui marche ? Comment savoir si quelqu’un est vraiment fait pour nous ? Comment composer avec les désirs cachés de l’autre ? Comment ne pas reproduire les erreurs de nos parents et tenter d’aimer en étant le plus possible fidèle à soi-même ? Des questions qui peuvent ne pas paraître très originales mais qui sont ici traitées avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Sur un ton doux-amer, le film témoigne de la confusion d’une génération de trentenaires larguée, perdue entre désir d’engagement et envies d’ailleurs, volonté d’essayer de nouvelles choses et peur de la trahison.
Porté par un casting séduisant qui incarne à merveille des personnages tous attachants, The Happy Sad sonde avec pudeur et lucidité, entre humour et désespoir, la difficulté d’être en couple, l’exposition à la tentation, le mystère des rencontres qui font que des choses se passent, ne se passent pas ou vont trop loin. Psychologie des personnages fouillée, dialogues habiles qui font toujours mouche : sans trop en avoir l’air, Rodney Evans brise tous les codes et les clichés des comédies romantiques pour montrer « l’après rencontre ». Vivre heureux est une quête perpétuelle, vivre à deux une expérience vertigineuse, l’amour et le désir toujours des mystères. A la fois modeste et généreuse, cette comédie dramatique aborde des thèmes universels et ne manque pas d’émouvoir.
Film produit en 2013