CINEMA
THE HEART MACHINE de Zachary Wigon : amour virtuel
New York. Cody (John Gallagher Jr.) entretient depuis plusieurs mois une relation virtuelle avec Virginia (Kate Lyn Shell). Ils ont fait connaissance sur Internet et Virginia étant pour quelques mois à Berlin, ils ne pouvaient se rencontrer mais ont tout de même décidé de rester en contact. Et puis un jour, Virginia a proposé qu’ils sortent ensemble sans même s’être rencontrés physiquement. Sous le charme, Cody a accepté. Depuis, ils partagent une drôle de relation par écrans interposés. Ils connaissent les recoins de leurs appartements, passent des heures et des nuits à converser et se dévoiler, font du cyber sexe…
Cody est amoureux. Mais voilà qu’un jour, dans le métro, il aperçoit une fille qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Virginia. Quand il lui en parle, cette dernière semble mal à l’aise. Petit à petit, le jeune homme commence à s’interroger, à douter, et finit par se demander si Virginia ne lui aurait pas menti. Et si elle vivait dans sa ville, dans son quartier ? Succombant à la paranoïa, il se met à mener l’enquête. Au fil de ses découvertes, sa relation avec Virginia bascule et se détériore…
Premier long-métrage du réalisateur Zachary Wigon, The heart machine sonde la confusion des sentiments et des identités des jeunes adultes qui ont grandi avec le virtuel. Plus que jamais, on se livre ,à travers Internet, les sites et applications, à de parfaits inconnus, tissant des relations hybrides. C’est le cas de Cody et Virginia qui considèrent être en couple alors qu’ils ne se sont jamais vus « IRL ». A l’évidence, ce qui fait tenir Cody est le retour prochain de Berlin de celle qu’il a appris à connaître en ligne. Mais alors qu’il pense l’avoir vue dans le métro à New York, le jeune trentenaire est bien obligé de s’interroger.
Emporté par l’euphorie d’un lien naissant, même virtuel, on se dévoile, on donne et on fait confiance. Mais peut-on vraiment faire confiance à quelqu’un que l’on n’a jamais vraiment eu en face de soi ? Peut-on vraiment vivre un amour sans qu’il ne soit physique, matérialisé ? Commençant comme une fiction à la croisée de la chronique de quotidien de trentenaires et de comédie romantique, The heart machine se métamorphose en un thriller intimiste et parano assez vertigineux. Cody ne se monte-t-il pas la tête à force d’être frustré de ne pouvoir être vraiment avec celle qu’il aime ? Virginia joue-t-elle à un double jeu ? La magie qui se déployait « on line » laisse place à un climat angoissant, à la douleur, au glauque.
Très subtilement, en filigrane, Zachary Wigon parle d’amoureux modernes égarés, en pleine crise identitaire, qui ne savent plus vraiment comment s’aimer, pouvant alors agir de façon malhonnête. Maintenant que le virtuel est devenu partie intégrante de nos vies, avoir plusieurs identités, plusieurs facettes, n’a plus rien d’extraordinaire. Et on peut s’y perdre, développer plusieurs personnalités, être à la fois une personne puis une autre, sans vouloir choisir.
Dans le rôle de l’énigmatique et ambivalente Virginia, Kate Lyn Shell est particulièrement troublante, source d’obsession, tour à tour lumineuse, mélancolique ou inquiétante. Il émane de The heart machine un malaise, le reflet troublant d’une génération qui veut aimer mais qui ne sait plus bien comment faire ni comment être.
Film produit en 2014 et disponible en Import DVD