FICTIONS LGBT

THELMA de Joachim Trier : un conte sombre sur fond de love story lesbienne

By  | 

Joachim Trier (auteur de l’excellent « Nouvelle Donne » et popularisé par le succès de « Oslo, 31 août ») ne choisit pas la facilité avec « Thelma ». Ce long-métrage indéniablement audacieux est autant l’éveil sexuel d’une jeune vierge solitaire qu’une plongée dans un univers surnaturel et dérangeant.

A Oslo, Thelma (Eili Hrboe) s’émancipe pour la première fois. Elle a sa propre chambre et n’est plus sous la surveillance pesante de ses parents. Du moins en apparence, ces derniers traquant autant que possible ses déplacements et s’invitant de façon intrusive dans son quotidien. C’est que Thelma n’est visiblement pas une jeune femme comme les autres. De son enfance tourmentée ne lui restent que des bribes et des cauchemars. Désireuse de se faire de nouveaux amis, elle peine un peu à s’intégrer, étant timide, ne buvant pas et assumant ses valeurs catholiques. Une fille de la FAC s’intéresse pourtant à elle. Elle s’appelle Anja (Okay Kaya), elle est aussi belle que fragile (on devine dans le placard une petite tendance à l’anorexie). Dès leur rencontre, Thelma succombe et fait carrément une violente crise d’épilepsie ! A moins que ce ne soit autre chose…

Le temps de plusieurs semaines, le désir naissant entre les deux jeunes femmes va mettre à mal les croyances et sentiments de Thelma. Elle désire Anja mais elle refoule sa sexualité. Elle ne sait plus ce qui est vrai ou faux, de son ressort ou non. Il semblerait en effet que Thelma soit doté d’un étrange pouvoir qui fait que quand elle ressent quelque chose les éléments extérieurs en sont déréglés. Et quand elle fait un voeu, cela peut vite s’avérer vénéneux. Pouvoirs divins / diaboliques, épliepsie, crises psychogènes non épileptiques ? Alors que l’héroïne s’approche d’une possible vérité, le danger rode pour elle comme pour ceux qui l’aiment.

thelma joachim trier

Le film dispose d’une atmosphère aussi mystérieuse qu’envoûtante. Joachim Trier témoigne une nouvelle fois d’une mise en scène maîtrisée, mélange de chaud et de froid, de pop et d’obscurité, d’envie d’aller vers l’autre et de prison émotionnelle. L’actrice principale est troublante à souhait et la bande-originale signée Ola Flottum apporte une densité supplémentaire.

Il y a quelque chose d’assez beau et fort dans cette façon d’aborder la différence et le désir lesbien de façon métaphorique tout en sondant le spleen d’une jeune génération plus empêchée qu’elle n’y parait. « Thelma » aurait toutefois gagné en restant sur la corde de l’ambigüité plutôt que d’emprunter un penchant nettement plus marqué surnaturel dans son deuxième acte. Cela donne lieu à une petite déception, des séquences aux effets spéciaux parfois maladroits et des situations parfois un peu tirées par les cheveux.

S’il ne s’agit clairement pas là du film le plus réussi sur tous les plans de son auteur, il en émane une singularité intrigante, quelque chose de magnétique, un malaise séduisant. Il y a aussi quelque chose d’assez beau dans la façon qu’a le réalisateur d’aimer son personnage principal et de vouloir à tout prix qu’elle s’en sorte malgré toutes ses facettes les plus obscures. Typiquement le genre de long-métrage imparfait avec un vrai cachet qui mérite tout de même le coup d’oeil et auquel on aimerait tout pardonner.

Film sorti le 22 novembre 2017

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3