FICTIONS LGBT
TOGETHER ALONE de P.J. Castellaneta : nuit d’amour, nuit de mots
Les parisiens ont de la chance : TOGETHER ALONE, film à thématique gay sorti en 1993, a bénéficié d’un nouveau passage en salles. Une belle occasion de découvrir cette oeuvre sensible et mélancolique de P.J. Castellaneta.
Etats-Unis, années 1991. Au coeur de la nuit, Bryan (Todd Stites) fait la rencontre d’un bel inconnu, Bill (Terry Curry). Il le ramène chez lui. Après avoir fait l’amour, les deux garçons s’endorment. Mais voilà que Bryan émerge, troublé par un étrange rêve qu’il vient de faire. Il s’empresse de vouloir le raconter à Bill… qui lui apprend au passage qu’en fait il s’appelle Brian. Une longue conversation s’engage entre eux. Dans un premier temps, Bryan pense à mettre son invité dehors : il prend peur en réalisant que ce dernier lui a donné un faux nom. Alors que l’épidémie du Sida fait rage, le jeune homme cède à une légère paranoïa. Il a en effet eu un rapport non protégé avec son partenaire et redoute d’avoir été contaminé.
Brian s’impose, ne se laisse pas mettre dehors et leur conversation va prendre une dimension inattendue. Quelque chose se passe. Une connexion comme on en a peu dans une vie. Mais au désir et à la tendresse s’opposent deux personnalités à la fois sensibles et contraires qui ne vont pas s’épargner entre deux confessions.
Together Alone opte pour la forme du huis clos. Tout se passe dans la chambre de Bryan, autour de ce lit où pour la première fois de sa vie il s’est laissé aller à la dangereuse tentation d’avoir un rapport non protégé avec un inconnu. C’est très bavard, avec un côté post Nouvelle Vague, introspectif et hyper sensible.
Comme le titre du métrage l’indique, P.J Castellaneta raconte ici la solitude partagée par de nombreux gays au début des années 1990 alors que beaucoup ont vu leurs amis tomber malade et / ou mourir. Peur des conséquences qui allaient de pair avec le sexe, parano, et en même temps le désir de ne plus être seul, de s’abandonner.
La figure du Yin et du Yang est très présente au fil de l’intrigue. Elle représente à la fois de façon évidente les contrastes et le caractère ambivalent des protagonistes mais elle est aussi la métaphore des deux entités que sont Bryan et Brian. Ils ont le même prénom à une lettre près, réalisent qu’ils ont eu le même rêve le temps de cette brève nuit partagée ensemble. Ils peuvent se compléter, ils aiment être dans les bras l’un de l’autre, ils se désirent et pourraient sans doute s’aimer. Mais ils sont fondamentalement opposés l’un à l’autre sur des choses clés.
D’un côté, un jeune gay relativement affirmé qui rêve ouvertement de trouver un compagnon, quelqu’un qui reste dans son lit plus qu’une nuit. De l’autre, un jeune homme séduisant et énigmatique à la fois, qui se dévoile au compte goutte et qui ne semble pas vraiment savoir où il en est.
On a l’impression de vivre cette nuit avec les deux personnages. Il y a quelque chose de très doux et intimiste. Un fragment d’amour mélancolique en noir et blanc, avec un son qui a vieilli et qui renforce une atmosphère onirique et hypnotique. On en émerge comme d’un songe.
Film sorti en 1993 // Reprise en salles 26 juin 2019