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TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI (El Placer es mio) de Sacha Amaral : voleur de coeurs 

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Premier long-métrage du réalisateur Sacha Amaral, Tout le plaisir est pour moi (El Placer es mio en VO) s’articule autour d’un étrange et fascinant personnage principal, véritable vampire émotionnel. 

Antonio (Max Suen), bisexuel, a le téléphone qui n’en finit plus de sonner. Il reçoit toute la journée des messages et des vocaux d’hommes et de femmes qui l’attendent. Ne travaillant pas, il gagne de l’argent en se servant de ses charmes ou en volant. Il n’est pas escort pour autant. Son mode opérationnel est plus subtil et tordu : il rencontre et séduit, passe une nuit torride chez la personne, reste dormir, et au petit matin quand l’autre est assoupi il en profite pour aller fouiller, voler tout ce qui lui plait ou a de la valeur et cherche là où son hôte cache ses petits billets. Jeune et mignon, avec sa petite moue inoffensive, il trompe son monde et utilise ses débuts de relation pour créer une forme de dépendance affective. Très présent dans un premier temps, puis distant, jouant le chaud-froid, il exploite les failles affectives des hommes et des femmes qu’il rencontre pour les dérober ou leur demander explicitement de l’argent, une fois ou plusieurs fois. Le manège continue jusqu’à ce que la personne cerne son petit jeu ou que lui-même se lasse. Et quand ça s’arrête avec l’un.e, il trouve une nouvelle proie. 

tout le plaisir est pour moi film gay

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Le réalisateur Sacha Amaral filme sans jugement son personnage énigmatique, insondable, ausculte son comportement, permettant au spectateur de tenter de se faire son propre avis. Jusqu’à la fin du métrage, Antonio restera une sorte de mystère, plein de nuances et d’ambiguïtés. 

La question logique que l’on se pose est « pourquoi agit-il comme cela ? » La réponse évidente est qu’il ne travaille pas et qu’il se fait de l’argent facile en exploitant la misère affective des autres. Le film nous montre le contexte peu favorable et chaleureux dans lequel il a grandi : Antonio vit encore souvent chez sa mère, une femme ambivalente qui on le devine ne s’est pas assez occupé de lui et qui refait sa vie avec un homme un poil libidineux. 

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Antonio peut parfois paraître de par ses actions comme un monstre, un vil manipulateur sans coeur. Mais la façon dont les scènes s’enchainent, entre mirages de relations naissantes et destructions, laissent constamment planer le doute : fait-il vraiment toujours semblant ? N’y a-t-il pas malgré tout de la vraie tendresse et de l’émotion qui circulent ? Antonio n’est-il qu’un charognard ou un jeune homme qui n’en a juste rien à faire de tout et qui vit au jour le jour, prenant ce qu’il y a à prendre partout où il va et à chaque interaction sociale ou sentimentale qu’il arrive à développer. A plusieurs moments dans le métrage, on peut le voir presque regretter de ne pas arriver à ressentir l’amour, à se lier pour de vrai. 

Comme guidé par une force noire, le personnage avance, implacable, et le spectateur se demande jusqu’où cela ira et si quelqu’un ou quelque chose pourra briser le cycle. Tout le film carbure à l’énergie de son personnage principal, entre fascination et répulsion. La mise en scène est à son image, oscillant entre sensualité et sécheresse. Avec ce premier long-métrage vénéneux, Sacha Amaral intrigue définitivement comme réalisateur et offre un rôle d’une rare complexité et densité au parfait jeune comédien Max Suen. 

Film produit en 2024 et présenté au Festival Chéries Chéris 2024

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3