CINEMA
TROIS JOURS ET UNE VIE de Nicolas Boukhrief : pris au piège
Adaptation au cinéma du best-seller de Pierre Lemaître par Nicolas Boukhrief, Trois jours et une vie est un thriller aux multiples rebondissements. Une bonne surprise.
1999, Olloy, une toute petite ville des Ardennes belges. Antoine entre dans l’adolescence et rêve d’embrasser Emilie, sa voisine. Il passe depuis l’enfance ses journées avec elle et le petit frère de cette dernière. Un jour, tout bascule : Antoine surprend Emilie en train d’embrasser un autre garçon du village, plus âgé. Détruit, il commence sans le savoir une journée qui va changer son destin à tout jamais. Tout part en vrille jusqu’à ce que, par accident, Antoine se retrouve à tuer accidentellement le frère d’Emilie. Paniqué, il ne sait que faire. Doit-il assumer son acte terrible, en parler à sa mère avec qui il vit seul, au médecin du coin, le docteur Dieulafoy, qui l’a toujours pris sous son aile ? Rien ne va se passer comme prévu et ce meurtre involontaire va empoisonner l’existence d’Antoine au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer.
La bande-annonce du film, peu fidèle, a opté pour la carte de la sobriété, annonçant un thriller villageois à la française classique. Mais l’oeuvre de Pierre Lemaître est bien plus retorse que ça et très rapidement on connait le meurtrier du petit garçon. L’intérêt n’est pas de savoir qui et pourquoi comme d’habitude mais plutôt d’observer les conséquences d’une mort accidentelle. La première partie fait l’effet d’une lente descente aux enfers, pose très bien le cadre. La seconde, plus implacable et perverse, joue avec habileté sur un enchaînement de rebondissements avec un excellent Pablo Pauly dans le rôle d’Antoine devenu adulte.
Que faire quand on est un enfant et que l’on tue quelqu’un par accident ? On n’a pas la maturité et les armes pour s’en sortir, on a peur. La mère d’Antoine (campée par une Sandrine Bonnaire au top) comprend vite ce qui se trame. Mais forcément en tant que maman, la tentation de protéger son propre enfant est forte : s’il n’est pas pris, pourquoi gâcher la vie d’un petit garçon, surtout pour un accident – aussi horrible soit-il ? Le problème ici tient dans le fait que les personnages évoluent dans une petite ville où tout le monde se connait et s’observe. Au quotidien, il faudra pouvoir croiser les regards de tous et refouler le terrible secret.
On ne va pas trop en dévoiler mais l’intrigue est vraiment bien ficelée et le deuxième acte est franchement jouissif, tel un piège se refermant sur les protagonistes, non sans ironie. La petite ville d’Olloy fait office de personnage à part entière, comme si elle était maléfique, comme si l’on ne pouvait jamais s’échapper de cet endroit gris que l’on a pourtant tellement envie de fuir.
Comédiens parfaits, suspense de rigueur, dilemmes moraux, relation mère-fils touchante : on ne l’avait pas vu venir mais « Trois jours et une vie » est définitivement une des très belles surprises du cinéma français en 2019 voire le meilleur long-métrage de son auteur.
Film sorti le 18 septembre 2019