FICTIONS LGBT

UN PARFUM NOMMÉ SAÏD de Philippe Vallois : envoûté

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Avec Un parfum nommé Saïd, le réalisateur Philippe Valois brouille les pistes entre documentaire et fiction en racontant la passion d’un homme quinquagénaire pour un beau marocain insaisissable.

Alors qu’il se rend au Maroc en vue d’un nouveau projet de cinéma qui ne le passionne pas plus que ça, Gérard (Philippe Vallois) tombe sous le charme d’un beau garçon des environs, Saïd. Ce dernier gagne modestement sa vie en travaillant sur un marché où il vend des épices et rêve d’échapper à la pauvreté de son quotidien en partant vivre en France.

Instantanément, Gérard et Saïd sympathisent. Ils multiplient les balades et les conversations. Et alors que Gérard doit rentrer en France, ils entament une correspondance qui devient de plus en plus sentimentale. Si Gérard suppose que Saïd est hétérosexuel, il sait qu’au Maroc il n’est pas si peu fréquent que les garçons s’amusent entre eux ou cultivent des liaisons homosexuelles en attendant de se marier à une femme.

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La relation qui lie le cinéaste français à son beau marocain musclé joue sur plusieurs tableaux. Il y a un lien amical, fraternel. Puis la sexualité entre en jeu, faisant d’eux des amants puis des amoureux. Gérard incarne aussi une certaine figure paternelle, subvenant aux besoins de Saïd quand il est en difficulté, l’aidant à apprendre et améliorer son français, lui faisant découvrir Internet…

Mais s’il est de plus en plus amoureux, Gérard n’est pas naïf : il se questionne sur les motivations de Saïd, se demande s’il peut vraiment compter sur lui, si ses mots et sentiments sont sincères. N’entretient-il pas leur relation seulement par intérêt, pour réaliser son rêve de venir en France ? La relation est ambiguë et il est difficile d’y voir clair.  Indéniablement il y a une part de manipulation et d’intérêt de la part de Saïd qui se sert de ses charmes pour obtenir ce qu’il veut, voyager, passer de bons moments dans de beaux endroits. Il est aussi sans doute flatté de s’attirer l’attention d’un français artiste et cultivé qui le filme comme une star de cinéma et l’emmène faire des photos dans des studios. Cela n’empêche pas un véritable lien de se créer et on comprend que Gérard puisse s’y perdre car à certains moments Saïd est très touchant et a vraiment l’air sincère. Il présente d’ailleurs son ami à son entourage, dont sa famille.

Le film, qui aborde sans doute en raison d’un manque de moyens une forme qui lorgne vers le documentaire et l’expérimental, est raconté à la première personne. Il y a un côté roman dans le récit de cette obsession d’un homme mur intellectuel pour un jeune homme pauvre issu d’une autre culture. Philippe Vallois nous emporte complètement dans cette folle spirale de sentiments et nous comprenons sa fascination et son désir pour ce Saïd envoûtant comme un doux parfum faisant tourner la tête.

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Outre cette histoire de désir et de sentiments entre deux personnes de même sexe qu’à priori tout oppose (l’un est gay, l’autre possiblement hétéro / l’un est un français qui a assez d’argent pour vivre et voyager, l’autre est pauvre / l’un à la cinquantaine, l’autre la vingtaine / l’un est un homme d’esprit, l’autre se focalise sur son corps conscient qu’elle est une arme), Un parfum nommé Saïd est l’occasion pour le personnage principal et par extension le cinéaste de revenir sur son amour pour le Maroc. Il y a passé une partie de son enfance, il y a découvert sa sexualité, il y a effectué plusieurs tournages. La caméra de Philippe Vallois capture la beauté dépaysante des villes et des villages, des marchés, des maisons, de la nature. On voyage beaucoup à travers ce flux d’images qui alterne kitsch assumé et rigolo et idées de mises en scène pleines de fraicheur.

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Si le final a un goût amer (car si Saïd est rapidement perçu comme un personnage agissant par intérêt, Gérard n’est au fond pas mieux, remplaçant quand il le faut son jeune amant par une pale copie de celui-ci comme si tous ces jeunes mâles étaient au fond interchangeables), on ressort du métrage avec un certain émerveillement, étourdi par la beauté du Maroc et de ses garçons fantasmatiques à la virilité exacerbée.

Film sorti en 2003. Disponible en DVD d’occasion. J’ai réussi à visionner le film sur la plateforme de films LGBT américaine Revry. Leur catalogue est inégal mais il y a quelques curiosités très sympas à y découvrir comme ce film-ci.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3