EP
Vezelay, Lyre EP : un sommet d’intensité
C’est un EP qu’on se verrait bien écouter durant les rudes jours d’automne ou d’hiver, les yeux humides, la tête sous la couette, en espérant s’échapper dans des rêves colorés. Lyre EP sort pourtant alors que le soleil revient, doucement. Fermez les fenêtres, baissez les volets, allongez-vous ou bien peut-être prenez votre veste et sortez au milieu de la nuit. Vous êtes invités pour une bien belle traversée.
Il ne m’a fallu qu’un morceau pour tomber amoureux de la musique de Matthieu Le Berre alias Vezelay (nom qu’on devine en hommage à la commune de l’Yonne). Il s’agit de Sedative. Voix caressante, se hissant aisément vers les plus somptueux aigus, lyre et claviers scintillants au cœur d’une mélodie down tempo propice au spleen. Comme si l’on avançait calmement vers la fin du monde, apaisés. Peu importe qu’au bout se révèle la lumière ou le noir absolu. On va vers cette musique , qu’on imagine composée dans la plus grande intimité, avec une confiance quasi-aveugle. Tout en magie et sensibilité, le voyage est d’une beauté peu commune.
Le morceau Demure évoque les compositions brillantes d’ Active Child. Electro / dreampop céleste, petites touches abstraites, cette voix masculine comme un nouveau souffle qu’on voudrait avoir à ses côtés des heures durant (pour ne pas dire une vie). Tout cela nous rend infiniment romantiques et émotifs. Les influences de Vezelay sont probablement nombreuses et éclectiques. Le temps d’un somptueux Archetype, il convoque de vieux fantômes trip-hop, atteint les sommets d’un Londinium d’Archive sans pour autant tomber dans une nostalgie vaine. On assiste à quelque chose de nouveau, un univers se déploie.
Chaque disque a son sommet d’intensité. Bien vu : le morceau le plus emballant de Lyre Ep est…Lyre. J’en ai encore la chair de poule, je me le passe non stop depuis 48 heures. Si Sedative m’avait déjà fait chavirer, Lyre m’a juste complètement retourné. Le genre de chanson qui donne l’impression de tout résumer en moins de trois minutes. Bon courage pour mettre des mots là-dessus.
Essayons : disons que c’est un peu comme si, au beau milieu de la nuit, vous retrouviez l’amour de votre vie, jadis disparu. Vous seriez sans doute triste, vous auriez sans doute envie de pleurer, mais il y aurait toujours cette lueur, il y aurait sans doute ces quelques paroles pour vous dire que « tout ira bien ». Tout se mélange : la joie et la peine, les sonorités urbaines et les bruitages de la nature, les beats graves et électrisants et une grâce , divine et inespérée.
Lyre EP touche ni plus ni moins à la perfection. Cohérent et éclectique, il n’oublie jamais la gravité même dans des envolées plus électros (Homeboy) et rend , presque paradoxalement, le rêve plus accessible à chaque seconde qui s’écoule (Coma).
Non, ce n’est pas un rêve : on a bien là un sérieux postulant au titre de meilleur EP de l’année.