FICTIONS LGBT
VIVRE, MOURIR, RENAÎTRE de Gaël Morel : l’amour malgré tout
Après 7 ans d’absence, Gaël Morel revient au cinéma avec Vivre, mourir, renaître, un drame intimiste et attachant s’appuyant sur un très joli trio de comédiens.
Années 1990. Sammy (Théo Christine), bisexuel, est en couple avec Emma (Lou Lampros). Ils sont heureux, vivent ensemble avec leur petit garçon. Alors que Théo fait du bruit en plein travaux dans son appartement, il rencontre son joli voisin, Cyril (Victor Belmondo). Ils s’écrivent des mots pour se prévenir l’un l’autre quand ils ne sont pas là afin que Cyril, qui est photographe, puisse travailler tranquillement dans son labo sans être dérangé par le brouhaha des travaux de Sammy.
Un jour, Cyril propose à Sammy de le photographier avec son fils. Sammy demande à Emma si elle est d’accord. Elle se renseigne sur Cyril et découvre qu’il est un photographe prestigieux dont certaines photos se vendent pour plusieurs milliers d’euros. Elle donne sa bénédiction. La séance photo rapproche Cyril et Sammy qui commencent à se lier l’un à l’autre. Dans le même temps, Cyril fait aussi la connaissance d’Emma et ils sympathisent. Il devient l’ami du couple. On comprend rapidement que Sammy est troublé par lui et un après-midi il ose embrasser Cyril. Ne souhaitant faire de mal à personne et certainement pas à Emma, Cyril préfère dans un premier temps prendre ses distances. Mais Sammy insiste, ils se revoient et entament une liaison. En préambule, Cyril prévient Sammy qu’il est séropositif. Ils prennent leurs précautions et utilisent des préservatifs.
Quelques temps plus tard, Emma finit par découvrir la liaison de Sammy et Cyril et se sent logiquement trahie. Sammy lui assurant qu’il l’aime et qu’il n’a aucune envie de la quitter et de ruiner leur famille et Emma étant ouverte d’esprit et prête à tout pour sauver son couple, elle accepte le triangle amoureux dans lequel elle est embarquée malgré elle. Les choses semblent bien se passer jusqu’à ce qu’un jour Sammy ne se sent pas bien. Il fait des examens et apprend qu’il est séropositif…
C’est un retour en forme pour Gaël Morel qui nous propose un film à la photographie soignée, très belle, allant de pair avec une mise en scène joliment intimiste sublimant ses trois acteurs. Théo Christine est touchant, Lou Lampros est une révélation, Victor Belmondo est une fois de plus d’un charme magnétique, magnifique. Le charisme, la sensibilité et la beauté douce des trois interprètes jouent beaucoup dans la réussite de ce long-métrage modeste. Ils contribuent à rendre leurs personnages profondément humains et attachants. Chacun ici essaie d’aimer sans se faire la guerre, l’amour ne cesse jamais de circuler malgré les coups du sort. La relation entre Sammy et Emma est notamment très forte, Emma étant d’une infinie compréhension (qui va être mise à rude épreuve).
Logiquement le spectateur peut se demander si Cyril est celui qui a contaminé involontairement Sammy. Mais on sait avec le début du métrage que Sammy voyait des garçons avant Emma (et peut-être pendant sa relation) et qu’il ne s’était jamais fait tester. Là n’est pas du tout la grande question du film au final qui déjoue la trajectoire un peu attendue du « drame sur le Sida » qui a déjà été fait des dizaines de fois. Ici, Gaël Morel s’intéresse surtout au quotidien de ceux qui se sont retrouvés contaminés par cette maladie, des années après l’hécatombe de son apparition mais alors qu’il n’y avait pas encore de traitement efficace pour vivre sereinement avec. Apprendre qu’on a le VIH était alors un total coup du sort pouvant annoncer une mort prochaine.
Chacun ici va avoir une façon différente de composer avec la maladie, entre refus de se laisser abattre tout en restant lucide, résilience, peurs et possible fatalité. Cyril par exemple réalise que le fait de pouvoir du jour au lendemain tomber gravement malade le fait regarder et vivre la vie avec une grande intensité, ce qui pousse son travail photographique vers le haut (et l’amènera à un curieux stand by quand les choses iront mieux). Comme un portrait instantané d’une époque pas si lointaine, Vivre, mourir et renaître nous fait partager la douloureuse et profonde sensation d’apprendre qu’on est malade et tout ce qui va avec. Comme le titre l’indique, d’un côté il y a la peur de mourir et de l’autre celle de l’espoir de s’en sortir et peut-être renaître (mais comment ? là est la question)
La douceur, la tendresse, le lien unique entre les protagonistes font de cette oeuvre simple et pleine d’humanité un joli moment de cinéma.
Film sorti au cinéma le 25 septembre 2024