FICTIONS LGBT
WERE THE WORLD MINE de Tom Gustafson : un conte gay et musical
La vie au lycée n’a rien d’une partie de plaisir pour Timothy (Tanner Cohen). Membre d’une école privée pour garçons, il doit fréquemment subir les plaisanteries de mauvais goût et attaques de ses camarades rugbymen. A la maison, la vie n’est pas rose non plus : sa mère peinant à joindre les deux bouts et tentant tant bien que mal de gagner de l’argent en faisant du porte à porte pour vendre des produits cosmétiques. Le père de la famille a foutu le camp alors que Timothy révélait son homosexualité. Heureusement, loin du foyer et des salles de classe, Timothy peut partager ses états d’âme avec ses vieux amis. Mais ces derniers temps, il a plus que jamais la tête ailleurs : il est tombé fou amoureux d’un garçon du lycée, le beau sportif Jonathon (Nathaniel David Becker). Il semblerait malheureusement que ce dernier soit un pur hétérosexuel.
Alors que Timothy souffre de ne pas pouvoir vivre ses premiers désirs, la pièce de fin d’année se met en place : une représentation de Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. La prof qui s’occupe de la mise en scène a décidé que les garçons se déguiseraient en fées et joueraient aussi bien les rôles masculins que féminins. Un pari audacieux sachant que la majorité des participants sont des rugbymen à la limite de l’homophobie, peu propices à assumer leur part de féminité. Timothy décroche le rôle principal et se laisse peu à peu gagner par la pièce. Son quotidien va soudainement se retrouver transcendé alors qu’il découvre entre les lignes de l’œuvre un moyen de créer un philtre d’amour. Il va alors changer l’objet de son affection , Jonathon, puis toute la ville en gay ! Mais faire de sa différence la norme, est-ce vraiment le bon moyen pour s’affirmer ?
Après le court-métrage Fairies, Tom Gustafson convoque à nouveau la pièce de Shakespeare,Le songe d’une nuit d’été, pour son premier long-métrage. Were the world mine commence comme un teen movie classique mais déborde rapidement de fantaisie. Pour oublier son triste quotidien fait d’humiliations et de frustrations, Timothy s’échappe dans des rêveries. Ces dernières sont extrêmement colorées, d’un kitsch totalement assumé et nous transportent dans un univers aseptisé et rafraichissant. Le film reprend les clichés classiques du teen movie américain (les sportifs machos et populaires, le gay mis de côté mais qui va étonner son monde lors du spectacle de fin d’année…) et y apporte un côté joyeusement queer et décalé.
D’abord toile de fond, la pièce de Shakespeare va progressivement se retrouver au premier plan. On assiste alors à une sorte d’ adaptation gay culottée, transposée de nos jours dans un lycée américain. Le philtre d’amour rendant gay donne bien sur lieu à des situations loufoques. Et le tout est saupoudré de passages musicaux. C’est probablement là qu’on tient les meilleurs moments du film. C’est d’un kitsch incroyable mais la magie est là, on se laisse emporter par un grand festival de couleurs. Avec juste quelques costumes et une scène de spectacle, Tom Gustafson parvient à créer un univers féérique, idéal pour ce qui constitue au final une sorte de conte de fées gay.
Alors, certes, le projet trouvera surtout un écho chez les amateurs de productions gays. Le film n’est pas non plus un chef d’œuvre et use parfois jusqu’à la corde des stéréotypes. Mais cela se suit avec un réel plaisir et on y trouve une vision originale de l’œuvre de Shakespeare. Le film défile à toute vitesse, nous emporte…comme un songe. Et nul doute que les adolescents y trouveront une variation singulière et optimiste sur l’affirmation de soi. On retiendra enfin la touchante relation mère-fils qui nous rappelle que le coming out est une épreuve aussi bien pour les enfants que pour leurs parents.
Avec ses décors scintillants et ses beaux garçons, Were the world mine est une sucrerie dont il serait dommage de se priver.
Film sorti en 2010 et disponible en DVD