CINEMA

YVES de Benoit Forgeard : frigo (trop) intelligent

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Cinéaste singulier et exigeant, Benoit Forgeard délivre avec Yves une comédie pop comme on aimerait en voir plus souvent en France.

Jérem (William Lebghil) vit seul dans la maison de sa grand-mère. Se rêvant en rappeur, il a du mal à trouver l’inspiration et passe la majeure partie de son temps à procrastiner. Il se porte volontaire pour un programme l’amenant à tester un frigo doté d’une intelligence artificielle et nommé Yves. Pour lui c’est l’occasion d’avoir le frigo plein, Yves lui commandant gratuitement absolument tout ce qu’il veut.

A peine commence-t-il l’expérience que Jerem craque pour l’enquêtrice responsable d’Yves : la belle et affirmée So (Doria Tillier). Hélas il s’avère aussi fin pour draguer les filles que pour composer des tubes : c’est pas gagné !

Si dans un premier temps Jérem ne respecte pas ce frigo qui semble vouloir devenir son meilleur ami à tout prix, la solitude dans laquelle il se trouve en tant que jeune artiste en galère va l’amener à baisser progressivement la garde. Tout bascule quand Yves, très proactif, se met à lui composer des chansons qui s’avèrent ultra efficaces. Sans même demander l’avis à Jerem, il met en ligne un morceau qui cartonne et lui ouvre les portes de l’industrie du disque.

Du jour au lendemain, Jérem devient un jeune rappeur en vogue, gagne en confiance et parvient même à séduire So ! Mais ses relations avec Yves se dégradent peu à peu : il se met à exploiter le frigo comme un esclave et ce dernier semble jalouser sa relation avec So… Les choses finissent par dégénèrer…

yves film benoit forgeard

Le réalisateur Benoit Forgeard ouvre ici son cinéma en signant à la fois une comédie populaire accessible à tous et à l’esprit pop et une réflexion en mode dystopie sur l’intrusion grandissante des intelligences artificielles dans nos vies. Jérem est un personnage de loser sympathique auquel on s’attache instantanément et qui reflète bien une jeunesse assez larguée, sur-connectée mais mine de rien frappée par la solitude (au final Jérem n’a pas vraiment d’amis si ce n’est le personnage de Dimitri campé par Philippe Katerine). Quand on se sent seul, on peut vite s’habituer à parler à un frigo surtout quand celui-ci se révèle être intelligent, cool et toujours prêt à rendre service…

La première partie, mignonne et légère, laisse place à quelque chose de plus trouble et qui amène pas mal d’interrogations. Serions-nous à deux doigts de basculer dans un monde où un objet robotisé pourrait devenir notre meilleur ami, où les machines remplaceraient les artistes avec une redoutable efficacité algorithmique ? Vers la fin du métrage, on peut voir les images d’un concours de l’Eurovision où les chanteurs sont remplacés par des appareils ménagers… Il y a aussi un côté un peu creepy dans cette façon qu’à Yves de se comporter comme un humain, en étant doté d’émotions qu’il pense réelles comme l’amitié, l’amour, la jalousie. 

Les machines prennent de plus en plus la place des humains, on le sait, et ce film nous amène à nous interroger de façon divertissante et ludique sur le sujet. Une comédie intelligente à saluer donc dans laquelle le duo William Lebghil et Doria Tiller (vraiment très bien ici) fait des merveilles.

Film sorti en 2019 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3