CINEMA
LES FILLES DU DOCTEUR MARCH de Greta Gerwig : soeurs et femmes
Après le prometteur « Lady Bird », Greta Gerwig s’attaque au classique « Les Quatre Filles du Docteur March » pour une nouvelle adaptation à laquelle elle insuffle une touche de modernité. Le film réunit un très beau casting : Saiorse Ronan, Florence Pugh (découverte dans le fabuleux « Midsommar »), Emma Watson, Timothée Chalamet, Laura Dern, Meryl Streep…
Jo March (Saiorse Ronan) se rêve en auteure et vend des petites nouvelles à un journal pour essayer de faire vivre sa famille. Sa soeur Beth (Eliza Scanlen) est malade et ce ne sont pas Meg (Emma Watson) ou Amy (Florence Pugh), ses deux autres soeurs, qui pourront subvenir aux besoins matériels.
Alors qu’elle se démène et se laisse emporter par la passion de l’écriture, Jo se souvient avec nostalgie de son enfance et adolescence, période où elle et ses soeurs étaient pleines de rêves et d’insouciance même si leur père, parti à la guerre, leur manquait terriblement. Elles ont grandi avec l’idée qu’être une femme consiste avant tout penser à faire un beau mariage pour assurer la pérennité de sa famille. Jo n’a jamais aimé cette idée, féministe avant l’heure, préférant être amie avec les garçons que d’être réduite à l’état d’objet de désir. Tout le métrage durant, elle bataille pour ses convictions et son émancipation tandis que ses autres soeurs se cherchent. Meg est très attirée par la haute société mais se laisse approcher par un garçon plus modeste. Amy se rêve en artiste peintre et est amoureuse depuis le plus jeune âge de son beau voisin Laurie (Timothée Chalamet) qui ,lui, ne voit que Jo…
A travers les itinéraires de ces jeunes femmes se déploie un film en costumes tendre, sensible et féministe. Greta Gerwig capte de très belles choses autour du lien qui peut exister entre soeurs entre amour indéfectible et rivalités. Au coeur du métrage on retrouve en effet un duel sous-jacent entre les personnages de Jo et Amy formidablement interprétées par Saoirse Ronan et Florence Pugh. L’une ne pense qu’à s’émanciper, être une femme et une artiste libre, même si parfois la peur de l’abandon ou la solitude la terrasse. L’autre, plus sensible aux conventions et aux valeurs, essaie de trouver sa place alors qu’elle a toujours eu l’impression d’être dans l’ombre de sa brillante soeur. Il y a entre elles un garçon, Laurie, campé par Timothée Chalamet. On retrouve d’ailleurs ici tout ce qui nous avait fait tomber amoureux de lui dans « Call me by your name ». Un charme fracassant, une capacité à interpréter avec une rare poésie un jeune héros romantique et un peu désinvolte. Et ce regard…
Si Greta Gerwig a pris des libertés par rapport à l’oeuvre parue en France en 1880, elle en garde l’essence et propose un très beau divertissement. Il n’y a pas de temps mort, le drame et la légèreté s’entremêlent à merveille, c’est très bien écrit et dialogué, le casting est top et surtout la mise en scène est très belle. La photographie est très soignée, c’est un régal pour les yeux, plein de couleurs, avec un côté « film tableau ». C’est une oeuvre dans laquelle on a envie de vivre et de rester malgré des moeurs bien différentes et plus rétrogrades d’aujourd’hui : c’est dire à quel point la réalisatrice a fait du bon boulot esthétiquement parlant. Tout est beau et soigné, des décors à la bande-originale d’Alexandre Desplat.
Film sorti au cinéma le 1er janvier 2020