CINEMA
CRASH de David Cronenberg : accidents et plaisir
Le film s’ouvre sur Catherine (Deborah Kara Unger) en train de se faire peloter par un homme. Lequel ? Cela ne semble pas avoir d’importance. C’est primitif, froid, clinique. On enchaine avec James (James Spader) en plein ébat avec une femme. Laquelle ? Pas d’importance non plus. Côté téléfilm érotique , manque de passion. On apprend ensuite que James et Catherine sont ensemble, ils forment un couple libéré qui se racontent leurs expériences extra conjugales pour vibrer. Leurs derniers ébats en date ne sont guère satisfaisants, ils n’ont pas beaucoup pris de plaisir. « Maybe next time » lance Catherine. L’infidélité font d’eux des blasés, ne leur suffit plus, ils sont au point mort. Ensemble sur leur balcon, face à l’autoroute, ils sont seuls, vides.
Et puis, James prend le volant et est victime d’un crash. Il survit mais l’homme d’en face est tué, laissant sa femme sonnée dans la voiture brisée. James a survécu mais n’était-il dans le fond pas déjà mort ? Par ce crash, il va découvrir un nouvel univers , de nouveaux fantasmes. Il va d’abord entretenir une liaison morbide avec la femme de l’accident (Holly Hunter). Pulsions animales. Et puis il va découvrir une étrange communauté à laquelle cette femme appartient. Avec Catherine, ils vont se laisser séduire par ces gens passionnés de crash automobiles, ces gens qui s’excitent dans les voitures. La communauté est présidée par Vaughan (Elias Koteas), un homme d’un troublant magnétisme qui photographie les accidents et leurs morts, qui met en scène les accidents mortels d’icônes hollywoodiennes à la James Dean. Ainsi voit-on une représentation où Vaughan rejoue la mort de Dean. Le spectateur ne comprend pas, il est placé dans une situation inconfortable. On est tentés de dire que James et ses amis qui se délectent de cette représentation sont des monstres. Mais nous autre spectateurs ne sommes-nous pas quelque part pareils en nous divertissant avec des histoires parfois très sombres ?
Il fallait un crash, voir la mort en face pour redonner un peu de souffle à la vie. Mais il est possiblement déjà trop tard. Les personnages de Crash sont des morts vivants, des bêtes sauvages qui forniquent dans tous les sens , avec tout le monde. Tout n’est plus que pulsion. La voiture, c’est l’homme. Une machine qui a besoin d’être controlée. On se tamponne, on dérape, et on prend toujours le risque de sortir de la route. Des personnages qui n’ont plus de limites, qui ne se sentent vivants qu’en fricotant avec la mort ou en ayant des rapports de plus en plus tordus.
Cronenberg nous offre un voyage dérangeant , sombre , violent. Ces charognards avides de sensations fortes n’ont plus que la souffrance comme source de jouissance. Mais tous ces risques, toutes ces transgressions ne deviennent-elles pas lassantes à force ? Lorsque Catherine manque de se tuer, James lance « Maybe next time« . Elle n’a pas pris son pied cette fois-ci mais la prochaine fois elle découvrira peut être le nirvana ultime. Crash ne sera jamais un film grand public, ne sera jamais du goût de tout le monde. Passionnant pour les uns, répugnant pour les autres, c’est une des oeuvres les plus fortes et troublantes de son auteur qui offre ici un cinéma d’une puissance rare, d’une liberté extrême. Cerise sur le gâteau : une scène gay culte d’un érotisme explosif entre Elias Koteas (d’un magnétisme dingue pendant tout le film) et James Spader.
Film sorti en 1996. Disponible en DVD