FICTIONS LGBT
QUELQU’UN DOIT MOURIR de Manolo Caro : Espagne hostile
Mini-série hispano-mexicaine de Netflix, Quelqu’un doit mourir (Alguien tiene que morir en VO) nous plonge dans l’Espagne des années 1950. Un portrait sombre de cette période où l’on chasse les « rouges » et où l’homophobie était de mise…
Tout commence alors que le fils de la famille Falcón, Gabino (Alejandro Speitzer), revient dans sa maison natale après 10 années d’absence. Il était parti enfant au Mexique pour d’obscures raisons.
Sa mère (Cecilia Suàrez) est surprise de le voir débarquer, désormais majeur et diplômé, accompagné. Gabino amène en effet avec lui son nouveau meilleur ami Làzaro, un mexicain. Danseur de ballet, ce dernier est vite considéré comme une fréquentation discutable pour le père de Gabino (Ernesto Alterio) ainsi que sa grand-mère (Carmen Maura). Mais ils ne s’attardent pas trop là-dessus : ils ont une flopée de projet pour l’héritier de la famille.
Si Gabino rêve de voyager et d’aller à Paris avec Làzaro, son père et sa grand-mère entendent tout faire pour ne plus le laisser quitter l’Espagne. Ils veulent le marier à Cayetana (Ester Expósito), fille de la riche famille Aldama. Cette union serait une belle alliance entre ces deux familles puissantes et Gabino hériterait également d’un poste dans l’entreprise de chaussures des Aldama.
Passionné et rêveur, Gabino a du mal à accepter le destin tout tracé qu’on essaie de lui faire prendre. Il cache surtout à tous une attirance secrète pour Làzaro. Son homosexualité n’est pas nouvelle, il en a toujours eu conscience et déjà petit garçon il était amoureux de l’un de ses camarades, Carlos (Eduardo Casanova), qui n’est autre que le frère de Cayetana. Ce dernier, homo complètement refoulé, se serait bien passé du retour de Gabino qui le renvoie à ses pulsions qu’il tente tant bien que mal de combattre.
Suite à un malheureux concours de circonstances, une rumeur va se propager comme quoi Gabino et Làzaro seraient plus qu’amis. Les deux garçons vont alors être pris pour cible…
Le format mini-série de 3 épisodes est un peu étrange mais Quelqu’un doit mourir parvient habilement à poser ses personnages et ses enjeux en faisant doucement monter la tension. Le spectateur peut rapidement comprendre par des non-dits et des silences que plusieurs choses se trament et qu’elles pourraient amener certains protagonistes vers une issue dramatique. Le titre de cette fiction sonne comme un avertissement : la mort rode et on se demande qui se verra sacrifié.
Le moins qu’on puisse dire c’est que l’atmosphère est très pesante et que la peinture de l’Espagne des années 1950 est très peu reluisante. Racisme à peine voilé vis-à-vis des mexicains, chasse aux « rouges », prisons où l’on exploite les détenus et où les actes barbares pullulent et surtout l’homophobie érigée en règle. Au centre de l’intrigue, deux familles avides de pouvoir qui dans un premier temps entendent s’unir mais qui vont finir par se saccager l’une l’autre.
Les personnages détestables ont ici la part belle avec notamment une Carmen Maura en grande forme dans la peau d’une grand-mère prête à tout pour servir ses propres intérêts et la jeune star d’Elite Ester Expósito qui se plait à jouer les jeunes garces manipulatrices sans scrupules. Au coeur de cet univers lourd et malveillant, le personnage principal de Gabino, sorte de coeur pur, va être mis à mal. La seule personne sur qui il peut compter est sa mère qui n’a hélas pas beaucoup de poids au sein d’une société où le patriarcat est la norme.
En toile de fond, les frustrations et désirs refoulés de chaque personnage qui les conduisent à se mettre en danger. Les blessures du coeur et le déni de soi vont ici faire des ravages.
Bien interprété, plutôt bien écrit avec un fond social accablant, cette mini-série bénéficie également d’une mise en scène globalement soignée bien que parfois appuyée (les différents tableaux qui surgissent ponctuellement à l’écran sont à la fois esthétiquement troublants mais un peu lourdauds quand même). Si ce drame bien sombre ne relève pas du chef d’oeuvre, il fait le job et le jeune Alejandro Speitzer est touchant dans son rôle principal de jeune gay persécuté, constamment épaulé par une mère brisée.
Série sortie en Octobre 2020 sur Netflix