COURTS
MON CRS , film de Marc Martin : aimer comme dans un conte de fées
Photographe bien connu des amateurs d’art homoérotique, Marc Martin réalise avec Mon CRS son premier court-métrage. Une entrée dans l’univers du cinéma rafraichissante, tendre et sexy.
L’univers photographique de Marc Martin est souvent sulfureux, se plaisant à jouer avec les codes de la masculinité et de la virilité. Ses portraits de beaux mecs barbus ont fait tourner la tête de plus d’une personne tout en les confrontant à leurs pulsions primitives. De grands mâles magnifiques, au parfum de testostérone et de sexe mis en scène dans des situations fantasmatiques et souvent délicieusement kinky.
Ouvriers, fermiers, bad boys de la rue : les « mecs mecs » qui semblent fasciner l’artiste ont beaucoup étés au coeur de clichés torrides flirtant avec les tabous (fétichisme, sneakers, boue…). Refusant de réduire son travail à des instantanés pour grands garçons excités, Marc Martin a souvent pris le soin d’accompagner ses beaux livres photographiques de textes érudits et introspectifs. Dur Labeur, Les Tasses (qui raconte de façon très riche, quasi encyclopédique, l’histoire des rencontres dans les urinoirs) ou le récent Beau menteur (questionnant le poids de la masculinité) constituent des projets stimulants dans tous les sens du terme.
Mon CRS est en quelque sorte la suite logique du projet Beau Menteur, magnifiant une certaine image stéréotypée de la masculinité pour mieux en disséquer ses failles.
Cette fois la star du projet c’est Mathis Chevalier, véritable bombe sexuelle testostéronée à qui l’uniforme de CRS va à la perfection. Il n’y a pas un plan du film où sa plastique, sa beauté ensorcelante, ne provoque quelque chose. Il y a des garçons comme ça dont rien que l’image vous font péter les plombs. Celui qui fait ici ses premiers pas devant la caméra est absolument abrasif. Son corps sculpté de façon impressionnante exerce une totale fascination. Mais il y a aussi et surtout son regard. Il est puissant, dur et macho quand Mathis s’entraine à la boxe, et il devient parfois ,sans prévenir, habité d’une forme de candeur irrésistible qui ne peut qu’emporter tous les coeurs sur son passage.
Fidèle à son travail photographique, Marc Martin fait de Mathis Chevalier sa nouvelle muse et ne rate aucun détail de sa beauté et de son charme explosif. On ressent absolument toute la puissance érotique de son corps : ses grandes épaules qu’on imagine protectrices et réconfortantes, son torse impressionnant qui assoifferait les plus coincé.e.s, ses pieds qu’il étale l’air de rien… Filmé parfois comme une statue sublime ou comme un modèle pour qui on déborde de désir jusqu’à en suffoquer, Mathis Chevalier est touché par la grâce et croqué de façon délicieusement kinky (hop une petite chaussette trouée par-ci, oh une tenue de CRS qui lui donne des allures de héros de Tom of Finland, tiens des scènes dans le bain qui font monter la température….).
Les fans du travail de Marc Martin ne seront pas perdus, c’est une évidence. Mais pour son entrée dans l’univers du cinéma, celui qui devient un jeune réalisateur entend aller plus loin que le bonbon pour les yeux et les belles images qui titillent à l’intérieur comme à l’extérieur. Si Mathis Chevalier irradie tout le métrage de son aura sensuelle, il l’habite aussi et surtout avec toute son âme et ce dès les premières minutes. Le court-métrage est articulé autour des pensées du personnage principal du CRS dont la très belle voix douce, sensible et enfantine contraste avec sa carrure imposante, « fabriquée » comme un bouclier.
Pas de faux suspense : dès le début, les dilemmes intérieurs du personnage se présentent à nous. C’est un garçon qui veut garder son âme d’enfant et son coeur pur, qui a envie de continuer à s’émerveiller de tout sans qu’on l’enferme dans une case, un rôle ou un stéréotype. Sa plus grande peur est en train de se matérialiser : la société le contraint à être un homme, un adulte, et quand il se regarde dans la glace il voit le reflet de l’image qu’on lui renvoie ou que l’on attend de lui.
Le monde extérieur est ici ressenti comme une menace, surpeuplé de pièges et autres obstacles pouvant à tout moment vous voler votre innocence. Comment faire pour se protéger ? Le personnage de Mathis Chevalier a décidé d’un côté de se barricader lui-même en devenant un gros bras bien costaud que personne ne viendra embêter. Et de l’autre il a choisi un métier qui dans ses valeurs originelles consiste à protéger son prochain. Mais on se doute qu’aussi gentil à la base il puisse être, un CRS a vite fait de baigner dans un quotidien dur et parfois impitoyable qui peut briser bien des illusions.
Effrayé à l’idée de perdre son âme d’enfant à jamais et sa magie qui le rend si vivant, le CRS va retrouver l’euphorie et le goût de l’inédit en découvrant une chanteuse. Elle chante le titre d’Annie Cordy (de qui Marc Martin est très fan et à qui il décide de rendre hommage ici en lui rendant son statut d’icône gay) « Mon CRS ». Une chanson qui aujourd’hui peut paraître désuète voire presque gênante mais à laquelle l’auteur rend toute sa délicieuse candeur et même un souffle romantique.
La chanteuse apparait elle-même de façon fantasmagorique, presque spectrale. Cheveux aux vents, déhanché enivrant, artiste, libre, affirmée. Un autre univers s’ouvre au CRS, hypnotisé : c’est le coup de foudre. Mais qui est-elle ? Alors que tel un petit garçon se convaincant qu’il est le prince charmant, Mathis s’apprête à lui déclarer sa flamme… et s’aperçoit que sa féminité dépasse les cases poussiéreuses du genre. A aucun moment dans le film cette chanteuse interprétée par Othmane n’est mise dans la moindre case. Androgyne ou femme trans ? Qu’importe ! Mais évidemment pour le CRS pas queer pour un sou, découvrir qu’il est instantanément tombé amoureux d’une chanteuse qui échappe aux pseudo normes qu’il a digéré depuis longtemps le trouble. Il ne voudrait pas qu’on l’enferme lui-même dans un cliché.
Au final c’est une agression qui va rapprocher les deux personnages et amener leurs deux mondes bien distincts à s’entrechoquer. Le CRS est peut-être protecteur et aime jouer les héros qui portent l’objet de leur affection comme un preux chevalier mais dans l’intimité il est celui qui a besoin qu’on lui vienne en aide, qu’on le rassure : il a peur. Et la chanteuse, elle, n’a peut-être pas sa force physique mais elle a assez de courage pour deux.
A la fois labyrinthe des sens et du désir, bulle pop aux allures de conte de fées moderne, fantaisie romantique qui nous invite à renouer avec notre candeur, Mon CRS assume à 200% son côté fleur bleue et rêveur. Le monde ne fait peut-être pas de cadeau mais il appartient à chacun de briser ses chaines, de suivre son coeur, de faire le grand saut vers l’inconnu et d’aimer et se sentir vivant. Au-delà de tous les stigmates, stéréotypes et possibles regards, les deux personnages de Mon CRS affirment leur liberté et leurs sentiments.
Rafraichissant, doux, bienveillant, ce court-métrage nous rappelle comme il est important de baisser la garde et que rien n’est plus beau que d’aimer à nouveau comme un enfant.
Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris de Paris dans la section « Courts Queer » le vendredi 25 novembre à 17h30 au MK2 Quai de Seine et le lundi 28 novembre à 21h50 au MK2 Beaubourg / Le film sera ensuite disponible en DVD collector – pré-commande ici