À MARÉE HAUTE (High Tide) – Critique du film gay sensible de Marco Calvani
Critique du film À marée haute (High Tide) de Marco Calvani sur un immigré gay brésilien aux Etats-Unis
À marée haute est ce genre de petit film indépendant qui a beaucoup de coeur et qui parvient sans mal à nous émouvoir. Un premier film très joliment porté par l’acteur Marco Pigossi.
Un immigré brésilien en quête de stabilité
Lourenço (Marco Pigossi), joli gay trentenaire, a fui sa petite ville brésilienne natale et sa famille très croyante pour tenter sa chance aux Etats-Unis. Cela fait quelques mois qu’il évolue dans le cocon radieux qu’est la ville côtière de Provincetown. C’est beau, il y a la mer, c’est LGBT Friendly… Aidé par son joli minois, l’immigré brésilien est logé par un vieux monsieur homosexuel, Scott (Bill Irwin), qui a beaucoup d’affection pour lui. Lourenço gagne sa vie modestement en faisant des ménages et des petits travaux chez des gens aisés du coin. Mais son visa est sur le point d’expirer et il est un peu paniqué.
Alors qu’il cherche des solutions pour ne pas avoir à rentrer chez lui (où sa mère, qui ne sait pas qu’il est gay, entend déjà le marier à une fille qu’elle a repéré pour lui), Lourenço fait la connaissance d’un bel inconnu de passage en ville, Maurice (James Bland). Le courant passe tout de suite et Maurice se montre très chaleureux, l’invitant en soirée, désireux de faire plus ample connaissance…

La face sombre de Provincetown
Le film s’articule autour de deux segments principaux. Le premier c’est évidemment la thématique d’un immigré dans une ville de Provincetown moins paradisiaque qu’elle n’en a l’air à première vue. Lourenço va progressivement découvrir la face sombre de ceux qui l’entourent. Certains clients lui manquent de respect alors qu’il effectue son travail d’aide à domicile, son ami âgé Scott semble surtout vouloir l’aider car il a une sorte d’amour platonique pour lui, un ami de Scott moins subtil va avoir une attitude particulièrement déplacée lors d’un dîner… Lourenço comprend que derrière les sourires et la politesse de façade, il y a des mécaniques de classe assez glaçantes. Et au contact de Maurice, il va aussi réaliser à quel point le racisme est encore bien présent dans les alentours.
Par petites touches, le film montre une ville où les bourgeois exploitent en douceur la misère sociale de certaines minorités. On se prend en pleine face la douleur et le sentiment d’injustice qui animent le personnage principal tout paniqué à l’idée de ne pas être sûr de pouvoir rester sur le sol américain et ne sachant pas comment faire pour s’en sortir.

Une romance fragile et touchante
L’autre grand segment de ce long-métrage tout en délicatesse, c’est celui de la romance naissante entre Lourenço et Maurice. Ce dernier a l’air de tout avoir pour lui : il est plastiquement magnifique, souriant, entouré d’une grande bande d’amis. Petit à petit, les fêlures apparaissent toutefois : Maurice est souvent victime de racisme et souvent cela provient d’autres gays qui par exemple le cataloguent comme un mec actif parce qu’il est grand, musclé et noir. La rencontre de Lourenço et Maurice, c’est la rencontre de deux âmes en peine, deux trentenaires sensibles qui sont en quête de lien et de tendresse alors qu’ils se sentent un peu perdus dans leur vie. Maurice va faire ressortir toutes les fragilités de Lourenço en générant chez lui des sentiments. Le beau brésilien est en effet encore sous le choc d’une rupture pas si lointaine.

Un drame intimiste et universel
Revendiquant son caractère intimiste, ce film très sensible évoque ces moments où l’on ne se sent pas bien et où on voit tout ce qu’il y a un peu de moche autour de nous. On se sent seul, on ne sait plus sur qui on peut vraiment compter, on a peur de ne pas trouver une porte de sortie. Des émotions complexes, que le réalisateur Marco Calvani regarde droit dans les yeux même si ça n’est pas toujours agréable. Parce qu’il faut passer par là pour avancer. Un très joli drame / film de personnage qui fait réfléchir aussi bien sur des sujets sociétaux que très personnels.
Film produit en 2024
Présenté au Festival Chéries Chéris 2025
