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ALMAMULA de Juan Sebastiàn Torales : tentation du pêché 

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Premier long-métrage de Juan Sebastiàn Torales, Almamula a été ovationné lors de sa présentation au Festival Chéries Chéris 2023. Une première oeuvre sensible et subversive qui laisse entrevoir un bel univers de cinéaste. 

Un quartier de Santiago Del Estero, au nord de l’Argentine. Nino (Nicolás Díaz), jeune adolescent, est fortement persécuté par les gamins du coin qui ne supportent pas sa différence. Protectrice et très croyante, sa mère décide de l’emmener à partir de l’été à la campagne pour lui changer les idées mais aussi et surtout dans l’espoir de le « remettre dans le droit chemin ». Nino va ainsi intégrer des cours de catéchisme visant à détourner les jeunes possiblement enclins à « céder aux pêchés » et préparer sa cérémonie religieuse de Confirmation. 

Lors de leur arrivée à la campagne, Nino et sa famille entendent parler de la disparition d’un garçon dans la forêt. Il aurait été enlevé par une sorte de monstre / entité maléfique à laquelle croient les habitants : l’Almamula. Cette terrifiante créature enlèverait à tout jamais les personnes ayant succombé au péché. Et si Nino, en tant que jeune ado se découvrant gay, pouvait en être la prochaine proie ? 

almamula film

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Dès ses premières scènes, Almamula insuffle un drôle de climat, une atmosphère anxiogène. Le mal-être du jeune Nino, introverti et persécuté, est palpable à chaque plan. Il comprend vite que les pulsions homosexuelles qui le submergent avec la puberté constituent une menace pour lui, évoluant dans un cadre homophobe et religieux. 

Petit à petit, le réalisateur Juan Sebastiàn Torales, sous une belle influence pasolinienne, délivre une troublante variation sur le désir et la notion de péché. Derrière la bonne morale, les discours et les apparences de façade, tout le monde est à un moment troublé par la tentation. On voit ainsi la soeur de Nino qui découvre le plaisir et joue avec ses ami-e-s à des jeux légèrement coquins. Et même la mère de Nino, pourtant si bigote, est assurément attirée par Malevo (Beto Frágola), l’homme à tout faire des environs au corps très viril et sculpté. 

almamula film

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La pression de son entourage et le matraquage religieux ne changeront évidemment rien à l’orientation sexuelle de Nino qui parviendra même de moins en moins à canaliser des désirs qui le submergent. Entre réalité et fantastique, et avec un goût malicieux pour un caractère subversif, le cinéaste met en images les fantasmes endiablés de cet ado qui s’imagine avec des hommes plus âgés ou qui fantasme sur les motifs christiques qu’il trouve étrangement homoérotiques. Alors que le monde qui l’entoure l’étouffe et rejette qui il est au plus profond de lui, Nino se met alors à être de plus en plus attiré par la forêt et l’horrifique Almaluma finit par apparaître comme une ultime fuite. 

Partant d’un point de départ assez classique (la découverte de l’homosexualité d’un adolescent et l’homophobie qui l’encercle), le réalisateur Juan Sebastiàn Torales tisse une oeuvre ambivalente, troublante et hypnotique qui impressionne souvent par son inspiration et son style. Un réalisateur à suivre. 

Film produit en 2023 et présenté au Festival Chéries Chéris 2023

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3