Avant / Après – Un premier film gay singulier et profondément humain de Manoël Dupont

Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, le comédien Manoël Dupont se distingue particulièrement avec une proposition très singulière parvenant à la fois à brouiller les pistes et à toucher profondément.

Deux hommes liés par un voyage et une faille commune

Le film s’ouvre sur la rencontre de Jérémy (Jérémy Lamblot) et Baptiste (Baptiste Leclere). Jérémy cherche quelqu’un pour le conduire à Instanbul où il doit faire une greffe de cheveux qu’il va payer grâce à l’héritage qu’il vient de recevoir suite à la mort de son père. Baptiste se propose visiblement de l’emmener alors qu’ils ne se connaissent pourtant pas. Baptiste semble traverser une période difficile, notamment sur le plan financier, et vit dans sa voiture. Jérémy lui propose de l’héberger pour la nuit dans la maison dont il vient aussi d’hériter. Les deux hommes ont en commun un début de calvitie plus ou moins avancé. Jérémy propose à Baptiste de lui payer la même intervention que lui. Un moyen pour lui de faire accompagné ce voyage en Turquie et cette opération stressante.

Les deux hommes vont apprendre à se connaître lors de ce voyage. Dans une ville d’Istanbul qu’ils découvrent à l’aube d’une élection déterminante, Jérémy et Baptiste ressemblent à des amis de toujours. Ils ont des tempéraments contraires (Jérémy est extraverti, nerveux et sans filtre tandis que Baptiste est plus taiseux et calme) ce qui semble les souder même si par moments ils ne sont pas du tout sur la même longueur d’ondes et que le rapport de force induit par le fait que Jérémy paie tout peut mettre Baptiste mal à l’aise.

Entre fiction et réalité : un cinéma hybride et immersif

Avant / Après est captivant d’un point de vue cinématographique pour sa façon de traiter la narration, le réel, la fiction. Les barrières sont très floues entre documentaire et fiction ce qui renforce l’aspect sincère et immersif du film qui nous fait vivre tout le processus d’une greffe de cheveux en Turquie. Les deux personnages rencontrent ainsi tout le personnel de la clinique et les acteurs vont réellement vivre l’opération.

Une réflexion sur la vulnérabilité et la masculinité

Avec beaucoup d’humanité, une spontanéité comme on en trouve rarement dans les films, ce long-métrage à part raconte parfaitement le lien si spécial que les hommes peuvent entretenir avec leurs cheveux et un début de calvitie. C’est une question / émotion purement masculine qui va au-delà de l’apparence, qui touche à l’égo, la confiance en soi. Admettre qu’on a besoin de cette opération et s’y adonner c’est admettre une forme de vulnérabilité. Et cela contribue aussi au fait que Jérémy et Baptiste se rapprochent l’un de l’autre si vite. Liés par une faille commune, ils apparaissent comme des amis, des frères mais aussi petit à petit des amants.

Un film sur la transformation et l’instabilité

Au cœur d’un projet guidé par la thématique de la transformation (la fiction et le réel, la calvitie et la repousse annoncée, une relation en mouvement, une ville instable à l’approche du verdict des élections…) se dessine deux très beaux portraits d’hommes auxquels on laisse leur mystère et leur instabilité. Car comme une chute de cheveux qui peut arriver brusquement, une relation peut basculer mais pour ça il n’y a pas d’opération possible.

Conclusion : un premier film marquant et original

Sondant de façon pudique et profonde une instabilité qui peut tous nous caractériser à un moment, Avant / Après ne ressemble qu’à lui-même et c’est un des meilleurs compliments qu’on puisse faire à un premier film.

Film produit en 2025 et présenté au Festival Chéries Chéris 2025.