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BABY : la série Netflix s’achève en beauté avec la saison 3
Série adolescente italienne au ton singulier suivant deux lycéennes s’essayant à l’escorting, Baby va plus loin dans le drame et l’émotion avec sa troisième et dernière saison. Une belle réussite.
C’est une série que popandfilms adore. Baby mêle les aléas de l’adolescence (les éternelles pestes du lycée, le poids des rumeurs et des réseaux sociaux, l’épreuve du coming out pour certains garçons) à une thématique plus adulte. Le show s’inspire en effet d’une histoire vraie et raconte comment dans les beaux quartiers de Rome deux adolescentes ont fini par s’adonner à l’escorting.
L’ensemble a un petit côté Belle de jour, notamment à travers le personnage de Chiara (Benedetta Porcaroli) dont l’itinéraire au fil des saisons a pu surprendre et déjouer toutes les attentes. Belle, populaire, courtisée par des garçons qui lui plaisent, évoluant dans une riche famille : rien sur le papier ne la prédestinait à se retrouver à devenir une escort. Mais dès le départ on sentait un trouble l’animer, une forme de mal-être, un besoin de s’évader, fuir, exprimer et explorer un mal qui la rongeait. Aux côtés de sa nouvelle amie Ludovica (Alice Pagani) elle est entrée dans ce monde d’adultes dangereux. Et y a étrangement trouvé une forme d’émancipation (du moins le pense-t-elle), de liberté, de réalisation de soi.
Le propos peut paraître sulfureux et il l’est assurément un peu mais c’est ce qui fait tout l’intérêt du personnage de la série : Chiara aime avoir une double vie, un sombre secret, se mettre en danger. Ces pulsions autodestructrices mêlées à un éveil sexuel accompagné de désirs troubles la font exulter. Elle est comme aspirée par une force noire. L’escorting est quelque part sa façon à elle de se rebeller, de faire un pied de nez à la petite communauté nantie à laquelle elle appartient, à échapper à un destin lisse et tout tracé. Mais, forcément, tout ça ne va pas très bien finir. Le personnage est vraiment très beau, complexe, riche en nuances. Contrairement à Ludovica, le moteur de Chiara n’est pas l’argent. Et c’est d’autant plus déstabilisant qu’elle est mineure… Jusqu’au dernier plan de la série, son parcours intrigue et émeut à la fois.
A l’inverse, Ludovica, qui a été victime de slut shaming par ses camarades de classe, a sauté sur l’escorting en partie attirée par l’argent facile et sous l’influence de son copain maquereau Fiore (Giuseppe Maggio). Au fil des épisodes, on la voit avoir de plus en plus du mal à assumer ses activités illicites. Son émancipation à elle sera de sortir de ce cercle vicieux. L’actrice Alice Pagani apporte énormément de sensibilité à cet autre personnage principal fort qui craint de ne réaliser trop tard qu’elle s’est mise dans de sales draps.
Mais Baby, cela reste surtout l’amitié entre ces deux filles. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas pu voir une série racontant une amitié féminine aussi belle et aussi forte. Et la saison 3 en témoigne. Il n’y a plus de doute : les garçons, les hommes, et même tout, n’est qu’accessoire en dehors de cette amitié. Chiara et Ludovica se sont trouvées au coeur du chaos, comme une évidence. Leur lien est indéfectible et au-delà des mots. Elles se sont entrainées l’une et l’autre dans les ténèbres de la nuit et elles resteront soudées jusqu’au bout. Cette vibrante sororité touche profondément et fait mouiller les yeux lors d’un final qui se boucle en apothéose, en mode doux-amer.
Ce qui séduit dans Baby, c’est sa noirceur, son atmosphère nocturne, sa complexité qui transforment le matériau de base (un soap adolescent avec léger parfum de soufre) en quelque chose de bien plus profond. Si la morale rattrape les protagonistes, la série montre l’ambivalence de chacun, le poids du machisme et la naissance progressive d’une forme de féminisme. Les deux héroïnes constituent les deux faces d’une même pièce : Ludovica victime d’hommes toxiques et Chiara qui s’inflige elle-même sa peine entendant disposer de son propre corps comme elle l’entend peu importe son jeune âge. L’ensemble pose des questions intéressantes et si scénaristiquement certaines ficelles sont un peu grosses et peu réalistes il faut louer la qualité de l’écriture des personnages et la subtilité de leur évolution. La mise en scène est ,elle, joliment atmosphérique.
En bonus, saluons dans les seconds rôles le personnage de Fabio, jeune homosexuel qui pour une fois est naturel et n’est pas une gravure de mode.
Produit en 2020. Disponible sur Netflix