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EUPHORIA SAISON 2 : sublimes démons adolescents

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La saison 1 de la série Euphoria avait déjà bluffé de par sa réalisation atmosphérique et ses personnages aussi iconiques que denses et complexes. La saison 2 pousse le curseur encore plus loin, nous faisant basculer dans un trip esthétique et onirique visuellement renversant et très riche en émotion. La meilleure série de ces dix dernières années et l’une des meilleures séries de tous les temps tout simplement. Article avec spoiler. 

C’est peu dire qu’on n’est pas déçu en découvrant cette saison 2 très attendue. Il n’était pas facile de donner une suite au premier chapitre qui était très intense et abouti mais son créateur Sam Levinson ne manque décidément pas d’idées et de ressources. 

Euphoria saison 2 change de format : là où dans la première saison chaque épisode se focalisait sur un personnage, nous propulsant dans son univers et sa psyché, cette nouvelle livraison d’épisodes mélange avec brio les différentes intrigues. Ce sera peut-être l’un des seuls bémols à signaler : certains personnages passent un peu à la trappe (on pense à la démente Kat interprétée par Barbie Ferreira qui fait plus de la figuration ici qu’autre chose et aussi un peu à Jules jouée par Hunter Schafer qui s’éclipse un tantinet trop sur la fin). Mais ce que l’on perd d’un côté, on le gagne de l’autre. Les personnages sur lesquels l’accent a été mis cèdent plus que jamais à leurs démons et c’est captivant !

euphoria saison 2

C’est sans doute l’un des sujets principaux d’Euphoria : les démons très adultes et denses d’une jeunesse iconisée, fétichisée, capturée par une photographie incroyable et irréelle. L’enfer n’a jamais été aussi sexy et magnétique et c’est l’une des forces de ce show qui fait l’effet d’un obsédant poison. L’écriture est épurée et ultra juste et souvent les émotions passent plus par la force des images et l’abstraction, le sensoriel, que par l’explicatif. Unique en son genre, Euphoria apparait comme un labyrinthe de pulsions dans lequel on adore se perdre. Parfois de façon borderline, la série joue physiquement avec le spectateur et le trimballe dans un trip charnel et maléfique qui fait tour à tour jubiler pour mieux mortifier la scène d’après. Il y a beaucoup de perversité mais aussi un humour très noir, l’ensemble repose sur une infinité de nuances. Chaque personnage est à la fois complètement monstrueux et touchant, attachant. 

Evidemment, le personnage central de Rue (campé par une Zendaya qui donne absolument tout et crève une nouvelle fois l’écran) est l’un des plus développés dans ces nouveaux épisodes. On la voit tristement replonger dans la drogue après que Jules l’ait abandonnée. Rusée, elle parvient à cacher à tout son entourage qu’elle a replongé. La première partie de saison la montre prise d’une dangereuse confiance en elle : malgré le fait qu’elle consomme à nouveau, elle parvient à renouer avec Jules. Cet excès de confiance va la faire sombrer et l’amener à prendre de très gros risques (notamment un deal avec une trafiquante faussement maternelle et ultra dangereuse). L’illusion ne durera qu’un temps et quand tout le monde va découvrir qu’elle a à nouveau cédé à l’addiction c’est un véritable cauchemar qui va commencer. 

euphoria saison 2

Certains ont souvent reproché à cette fiction de donner à la drogue un côté cool. Cette saison 2 devrait calmer les mauvaises langues : on voit et on ressent tout l’enfer de la drogue, la tragédie des addicts et le calvaire qu’ils font subir à leur entourage. Sam Levinson et son équipe montrent à quel point les toxicos peuvent devenir des monstres, possédés et manipulateurs. Avec douleur, on suit la totale descente aux enfers de Rue jusqu’à ce qu’on pense être le point de non retour. En arrière-plan, fantomatique, l’image du Père qui a été le déclencheur de l’addiction. Une mort qui a fait glisser Rue dans une mélancolie inconsolable, une dépression. Pour palier à l’envie de se foutre en l’air non stop, elle plane, elle s’endort de façon chimique mais s’enfonce alors de plus en plus profondément dans un gouffre. Sans concession dans son portrait de jeune addict qui passe de la nonchalance cool au supplice total, la série n’a pas peur de la noirceur mais veille à laisser à Rue son humanité, sa fragilité, son côté petite fille blessée par la vie qui fait que l’on a vraiment vraiment envie qu’elle sorte la tête de l’eau. 

Gravitant autour d’elle, on retrouve Jules qui va opérer des choix très délicats pour tenter de faire ce qui lui semble juste et le petit nouveau Elliot (Dominic Fike). Un garçon délicatement sexy, apaisant, camé lui aussi, qui a cet étrange mélange de douceur et de mélancolie, infiniment cool et triste à la fois (le spleen adolescent dans toute sa splendeur, l’option substance un peu glauque en plus). 

euphoria saison 2
euphoria saison 2

Aux démons de la drogue s’opposent les démons de la luxure avec le personnage de Cal (Eric Dane). Le daddy pervers voit son personnage beaucoup plus poussé et développé. Prédateur, vicelard, on découvre son passé le temps d’un épisode émouvant et magnifique. L’histoire terrible d’un homme emprisonné dans sa vie, niant son homosexualité et ses désirs, s’embourbant dans une vie de famille qu’il n’a jamais vraiment voulu. On comprend ses fêlures même si là encore on voit bien le monstre tordu qu’il peut être, la menace pour les autres. Son pétage de plombs fait rire jaune, si pathétique qu’il en devient tragi-comique. 

Et pour notre plus grand plaisir Nate (Jacob Elordi, bombe sexuelle vénéneuse de la série) est lui aussi bien présent. Le sportif canon et lisse continue d’empoisonner son monde. Derrière sa gueule de jeune premier à la beauté magnétique, une toxicité absolue. Sa beauté diabolique alliée à une personnalité archi ambivalente et retorse, ne manque de provoquer de nouveaux ravages. Notre sociopathe de l’amour continue de fantasmer en secret dans ses rêves les plus enfouis sur Jules pour qui il refoule son attirance et jette son dévolu sur une nouvelle proie toute désignée pour lui. Après avoir massacré le coeur de la pourtant coriace Maddy (Alexa Demie), Nate s’attaque à une Cassie (Sydney Sweeney) complètement vulnérable, recherchant désespérant un mâle alpha protecteur. 

euphoria saison 2
euphoria saison 2

Beaucoup de spectateurs ont critiqué le personnage de Cassie qui passe un peu par toutes les émotions et perd totalement pied dans ces nouveaux épisodes. Pour moi ce personnage est le meilleur de cette saison 2 et montre à quel point Euphoria est une série si intense, fine et grandiose. L’actrice Sydney Sweeney livre une performance magistrale, au bord de la folie, et nous fait passer par tous les états et émotions. On est attendri par son besoin viscéral d’être aimée et protégée par un garçon. L’amour, le désir de l’être aimé c’est sa drogue à elle. Et comme Rue est prête à tout pour se shooter quitte à manipuler son entourage, Cassie va se laisser aspirer par Nate même si cela peut avoir pour conséquence de démolir l’amitié la plus précieuse de sa vie avec Maddy. 

Nate agit comme une force noire et irrésistible, un démon sexy dont l’emprise fait tourner la tête. On a peur pour Cassie puis on la trouve complètement pathétique (l’épisode de la fête et du jacuzzi comporte son lot de moments aussi drôles que misérables) et on la voit sombrer encore et encore, absorbée dans une spirale destructrice qui exulte et détruit en même temps. Il y a tellement de couches dans ce personnage faussement simpliste de bimbo. De façon presque abstraite, très intériorisée, Sam Levinson nous renvoie à la question du slutshaming, à l’attrait morbide de certaines personnes pour des êtres violents et destructeurs. Ou quand l’on dépend tellement des autres pour aimer la vie, s’aimer un peu, qu’on se laisse dégrader sans limite. 

euphoria saison 2

Le triangle Nate / Cassie / Maddy apporte son lot de fun, de séquences bitchy, de répliques qui tuent tout en auscultant les personnalités et tourments des personnages. Alors que Nate et Cassie sombrent dans les abysses, Maddy est peut-être meurtrie mais apparait étonnamment plus apaisée, plus grandie. Dégoûtée, un peu terrifiée aussi, elle s’extirpe de sa propre addiction, prend de la hauteur.

Enfin, en fil rouge de la saison 2, il y a la sombre histoire de deal de drogues qui dérape pour Fez (Angus Cloud). Le bon gars un peu nounours et au bon coeur malgré le milieu ultra dangereux dans lequel il évolue avec son petit-frère violentissime avant l’heure va tisser une relation avec Lexi (Maud Apatow), le personnage de girl next door de la série. Une relation mignonne mais qu’on devine rapidement vouée à devenir maudite. Si le personnage de Kat a été sacrifié dans ce nouveau chapitre, celui de Lexi est beaucoup plus présent et nous régale notamment dans les deux derniers épisodes métas où les intrigues des personnages d’Euphoria se retrouvent en mode mise en abyme dans une pièce de théâtre haute en couleurs et particulièrement jouissive. 

euphoria saison 2
euphoria saison 2

Personnages marquants avec des univers, une psychologie, des caractères jamais figés ou simplistes, intense drame sur les addictions et les démons, comédie piquante sur les drames universels de la vie et de l’adolescence, Euphoria enterre définitivement toutes les autres séries du genre grâce au talent de ses interprètes, ses intrigues ultra sombres et complexes et surtout encore une fois sa mise en scène.

Orgasme esthétique, tourbillon des sens, le show nous met régulièrement dans un état de transe, nous emmène dans un ailleurs atmosphérique, génialement irréel, croisant ce que les personnages vivent, ressentent, explorant leurs pensées, leurs désirs, leurs pulsions, leurs rêves et leurs cauchemars. Empruntant à tous les arts (de nombreux plans convoquent les travaux de grands photographes et peintres), s’appuyant sur une bande-originale imparable, croisant une efficacité clipesque pop culture à une maîtrise du filmage qui n’a rien à envier aux plus grands réalisateurs, Euphoria est un choc, un manège vertigineux et perturbant duquel on n’a jamais envie de descendre. 

Saison 2 diffusée en 2022 sur Mycanal / OCS en France 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3