FICTIONS LGBT
François Zabaleta : 6 films présentés au Festival Chéries Chéris 2022
Chaque année au Festival Chéries Chéris, c’est la séance un peu spéciale des cinéphiles aventureux. François Zabaleta, cinéaste « hors système » et qui revendique sa différence, peut se targuer d’avoir le record en terme de nombre de films sélectionnés par le festival de films LGBTQI parisien. Une histoire d’amour entre lui et l’équipe de programmation qui semble indéfectible et qui permet chaque année à cet auteur singulier de conquérir de nouveaux spectateurs.
S’ils n’ont jamais pu bénéficier d’une sortie en salles « classique », les films longs et courts du réalisateur sont passés au fil des années à l’ACID à Cannes, à Clermont-Ferrand, au Festival Côté Court et bien d’autres. De quoi l’encourager à poursuivre la production de nouvelles oeuvres qui reprennent toujours le même procédé (une voix off calme, presque hypnotique, racontant une histoire tandis qu’à l’écran défilent des images émanant de différentes formes d’art – extraits de films, photos, animation, dessins, prises de vues réelles…). Pour l’édition 2022 de Chéries Chéris, le festival lui a déroulé le tapis rouge : deux séances en weekend dédiées à son travail, présentant pas moins de 6 nouveaux films (4 courts et 2 moyens-longs) ! Chacun nous embarque dans un univers très différent.
Côté courts :
Accueillir les ténèbres voit ainsi le cinéaste revenir sur la statuette maudite Sister Blood (déjà sujet d’un précent court). Une façon de bousculer les certitudes et les croyances, de parler d’expérience de mort imminente et de malédiction, avec un peu d’astrologie au passage.
Contre Nature voit un homosexuel raconter à son hypnothérapeute sa seule relation hétérosexuelle avec une chute pour le moins inattendue.
Papa est aussi un souvenir filmé, dans des bois la nuit. En trois minutes, François Zabaleta y raconte ses retrouvailles avec son père mourant. Retrouvailles qui vont donner lieu à un acte là aussi pour le moins surprenant.
Dernière danse est parmi les quatre courts-métrages présentés celui que j’ai préféré. C’est un hommage de François Zabaleta à son idole Pina Bauch. Alors qu’il se désole de ne pas savoir comment faire un film à la hauteur de son amour pour elle, le cinéaste rend sa passion contagieuse, nous fait partager ses voyages en Allemagne pour la voir. Surtout, ce court est l’occasion de parler du sentiment particulier d’être l’admirateur / adorateur de l’oeuvre de quelqu’un, de cette forme d’amour imaginaire à part et si précieuse. Il y a quelque chose de très touchant et qui résonne dans ce que Zabaleta confie, notamment quand il explique avoir été incapable de saisir les opportunités de rencontrer et échanger vraiment avec l’une des personnes l’ayant pourtant le plus inspiré dans sa vie (au point de l’empêcher de se suicider dans ses heures les plus sombres).
Côté longs :
Là où vivent les hommes inconsolés est l’occasion pour l’auteur de se confronter au souvenir de son père qu’il a trop peu connu. Un homme qu’il a à l’évidence espéré, aimé, sans doute un peu détesté aussi pour la peine qu’il a pu lui faire, qui n’a jamais cessé de le hanter. Comme toujours, le choix du sujet établi, Zabaleta creuse en profondeur et nous emporte au coeur de ses obsessions avec son écriture toujours aussi belle et précise. Admiration, chimères, frustration et disparition sont au menu de ce film de 58 minutes qui touche à l’universel.
Enfin, le deuxième film format long, Vilain Garçon, n’a pas manqué de se faire remarquer, distingué du Prix du Jury Documentaires (où l’on retrouvait un certain Isidore Bethel, auteur du génial Acts of love – qui faisait justement penser au cinéma de François Zabaleta).
C’est de tous les films sélectionnés cette année celui qui embarque le plus facilement le spectateur, le plus universel, le plus fort aussi. On se replonge dans le quotidien difficile d’un garçon de 8 ans différent, qui n’a pas d’amis et qui souffre de la sensation d’être une sorte de bête curieuse. Sa vie change quand il trouve son premier ami, un garçon plus âgé qui va mettre pendant un moment un terme à sa solitude. Une amitié amoureuse qui va dégénérer, jusqu’à la limite à ne pas franchir étant donné la différence d’âge. L’agression se mêle aux sentiments pour une réflexion parfois douloureuse, toujours passionnante, sur l’abus par une personne idolâtrée et aimée.
Il y a dans ces six films des choses qui ressortent : la différence vécue comme un poids, la solitude, les fantômes du passé, les amours (sous toutes leurs formes) impossibles, la mort, l’au-delà, l’art comme consolation, thérapie et refuge.
Films présentés au Festival Chéries Chéris 2022.
Pour ceux curieux de découvrir l’univers de François Zabaleta, le festival Côté Court va consacrer le jeudi 15 décembre à 20h15 au CINÉ 104 (104 Av. Jean Lolive, 93500 Pantin – métro Église de Pantin) un écran libre à son travail. Projection du film LE RÉPONDEUR DES ANGES NE PREND PLUS DE MESSAGES, un thriller sur la mythologie du cinéma hollywoodien des années 50 et 60 (hommage au CINÉMA DE MINUIT de Patrick Brion, à CINÉMAS, CINÉMAS de Claude Ventura et Anne Andreu et ÉTOILES ET TOILES de Frédéric Mitterrand et déclaration d’amour à Vincente Minelli et à son film LES ENSORCELÉS (THE BAD AND THNE BEAUTIFUL) et à Billy Wilder et à son film SUNSET BOULEVARD) interprété par Delphine Bronzi et Jean-Claude Renard.