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IN BED de Nitzan Giladi : les angoisses et les produits

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Avec In bed (Keilu ein mahar en VO) le réalisateur Nitzan Giladi nous plonge au coeur d’une véritable spirale infernale. Condensée sur 48h, l’intrigue transforme une journée de Pride en véritable cauchemar aux accents de thriller parano. Accrochez-vous ! 

Guy (Israel Ogalbo), gay sexy au physique musclé et alléchant taillé pour le succès sur Grindr se rend avec sa meilleure amie Joy (Moran Rosenblatt) à la Pride de Tel Aviv. Ils comptent s’amuser et faire la fête en prenant quelques substances. Mais voilà qu’une fusillade éclate emportant la foule dans une terreur absolue. 

Guy et Joy parviennent à s’échapper sans heurts et trouvent refuge dans l’appartement confortable de Guy où ils recueillent furtivement un garçon, Dan (Dean Miroshnikov), logiquement sous le choc des attaques. Après que celui-ci soit parti, les deux meilleurs amis décident de fuir la réalité et les flashs infos en passant la soirée à consommer divers produits. Joy en a plein les poches car elle est dealeuse. La seule chose qu’elle ne vend pas c’est de la Tina, drogue qui l’avait rendue terriblement dépendante et qui avait failli lui ruiner la vie. Guy avait été un précieux soutien pour l’épauler à l’époque et elle estime qu’il lui a sauvé la vie. Ces mauvaises expériences ne l’empêchent pas pourtant de continuer à naviguer dans l’atmosphère des substances illégales et d’en prendre en abondance. Avec Guy ils minimisent entre insouciance et inconscience le côté addictif de tout ce qu’ils peuvent ingurgiter. 

A l’évidence, ces deux âmes soeurs paumées se retrouvent en partageant le même vertige de vivre et sans jamais se juger l’un l’autre. Très proches, fusionnels, comme frère et soeur, ils font toutefois mine d’ignorer un certain problème qui flotte dans l’air depuis un moment : Joy est secrètement amoureuse de Guy, la seule personne à la comprendre et à lui donner de l’amour, et continue d’espérer que quelque chose pourrait se passer. Alors qu’elle tente de provoquer un rapprochement, la gêne s’installe et elle préfère partir. Se retrouvant seul et angoissé après la journée terrifiante qu’il vient de passer, Guy refuse de se plier aux consignes de sécurité et se connecte sur Grindr pour trouver de la compagnie (idéalement avec quelqu’un prêt à se « percher » avec lui). 

Après plusieurs essais infructueux, il finit par retrouver sur l’appli Dan, le garçon croisé plus tôt suite à la fusillade et l’invite chez lui pour un plan hard sous substances. Sous le charme de ce mâle entreprenant qui vient le dominer et vulnérable en raison des incidents traversés à la Pride, Guy repousse ses limites. Alors qu’il s’était juré de ne jamais prendre de la Tina, il finit par se laisser convaincre et devient instantanément accro. Le lendemain matin les ravages ne se font pas attendre : Guy ne veut pas « redescendre » et commence à basculer dans une certaine paranoÏa. Plusieurs indices l’amènent en effet à se demander si Dan, qui se révèle être un homo refoulé sacrément mytho sur les bords, ne serait pas l’un des auteurs de l’a fusilla de l’attaque de la Pride… 

in bed film nitzan giladi

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Le moins qu’on puisse dire c’est que In Bed ne manque pas d’intensité. Avec brio et de façon si vertigineuse qu’il peut en arriver à donner le tournis au spectateur, le film montre tout l’attrait, l’excitation et aussi le danger et l’enfer des drogues. Habitué à en consommer avec sa meilleure amie dealeuse, minimisant leurs effets nocifs, Guy s’accroche aux substances pour soigner ses maux et calmer ses angoisses. Il pense à son lien compliqué avec sa mère ou à la fusillade qui a failli lui coûter la vie ? Il oublie ça en prenant différents produits. Généralement, lui et Joy se gèrent ensemble dans cette consommation. Mais quand celle-ci part, Guy se retrouve seul avec ses peurs, ses démons et ses addictions. 

Rarement un long-métrage a aussi bien réussi à matérialiser l’état d’esprit et l’excitation d’un jeune gay mêlant systématiquement drogues et plaisir. En quête de compagnie chez lui, Guy brûle de l’intérieur alors qu’il vient de prendre du GHB et bouge dans tous les sens, refoulant les scènes traumatisantes du jour qui le hantent pour se laisser obséder par la quête effrénée d’un plan hard. La mise en scène nerveuse, qui ne laisse aucun répit, et une musique électro de circonstance pétaradante nous font complètement ressentir le tourbillon dans lequel est plongé ce beau mec qui trompe ses insécurités et sa solitude à grands coups de paradis artificiels qui peuvent si facilement se muer en enfer… et c’est ce qui va se produire ici. 

in bed film nitzan giladi

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Armé d’une écriture solide et sensible, Nitzan Giladi arrive rapidement à rendre Guy et Joy attachants malgré leurs accoutumances. Et on parvient ainsi complètement à se mettre dans la peau de Guy qui perd de plus en plus sa lucidité, emporté par ses « montées » successives et les « bads » qui peuvent en découler. Plus dure sera la chute comme on dit. 

Le film prend un tournant quand débarque dans l’appartement le mystérieux Dan qui semble aussi avoir son lot de sérieux problèmes personnels à gérer. Amant débridé, dominateur et définitivement toxique (la façon qu’il a de vouloir initier Guy à la Tina et de le percher en permanence n’est clairement pas un bon signe), il témoigne d’un comportement de plus en plus suspect et inquiétant. Est-ce Guy qui hallucine et bascule complètement dans la paranoïa ou Dan peut-il vraiment être un énorme danger ? 

in bed film nitzan giladi

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Se contredisant dans ses justifications concernant le fait qu’il est resté dans le quartier après les fusillades, disposant de deux téléphones différents, recevant de nombreux appels d’amis qui semblent être à ses trousses et homophobes : cet inconnu a de quoi inquiéter. Et le fait qu’il cherche absolument à posséder sexuellement Guy, qu’il s’attache à lui de façon irraisonnée et qu’il se mette à l’épier n’arrange rien. Basculant à fond dans le thriller et le cauchemar éveillé, In bed nous plonge dans une dévastatrice descente qui va nous emporter jusqu’aux abysses. 

Assurément perturbant, doté d’un ryhtme diaboliquement redoutable, ce « thriller gay perché en huis clos » n’en finit plus de nous secouer. 

Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris 2023

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3