FICTIONS LGBT
LE BEAU MEC de Wallace Potts : à la rencontre de Karl Forest
Comme son titre l’indique, Le beau mec tourne essentiellement autour d’un personnage : Karl Forest (dont le vrai nom était Jean-Paul Doux). Le réalisateur américain Wallace Potts l’a filmé à Paris et en résulte un film mi-documentaire mi-x, mélange entre réalité du quotidien et fantasmes. Karl Forest, avec naturel et spontanéité, se livre face caméra. Ses journées se résument au sport et au plaisir. Quand il décide de s’adonner aux plaisirs charnels, il ne transige pas : s’il est de son propre aveux versatile, il aime avant tous les garçons et les hommes bien faits. Les critères baissent quand il s’agit de ses activités de gigolo, forcément.
Le film nous replonge dans le Paris des années 1970 où règne un climat de liberté. On se prend vite de sympathie pour Karl Forest, homme un peu futile, bête de sexe au regard un peu candide, prêt à donner de son corps pour tenter de mener la belle vie dans la capitale. Une des scènes les plus fortes est sans aucun doute celle où un client plus âgé s’acharne en grand glouton sur son attribut. Le beau mec lui lance des regards presque teintés de mépris, la clope au bec, et a les yeux rivés sur la seule chose qui l’intéresse : le billet qu’il finira par gagner. D’un côté la poursuite de l’argent, de l’autre celle du plaisir. Deux recherches distinctes d’une certaine source de pouvoir qui ici s’entrechoquent.
Les scènes charnelles offrent de beaux moments comme un plan à plusieurs en sous-sol, à moitié dans l’obscurité, où les corps enchevêtrés sont sublimés ou encore un intense passage durant lequel Karl Forest se stimule devant son propre reflet.
Portrait en pointillés d’une icône gay, du fantasme du sportif chaud patate, Le beau mec est un bel hommage à son interprète, que les connaisseurs auront également pu apercevoir dans Johan de Philippe Vallois ou Hommes entre eux de Norbert Terry. Aux parties de jambes en l’air hédonistes s’opposent les confidences d’un homme qui vit au jour le jour, monnayant ses charmes pour sortir la nuit dans les clubs branchés histoire d’être vu et ainsi peut-être « devenir quelqu’un ». Dédramatisant le marchandage des corps, le métrage montre ici la vie comme un jeu dans lequel chacun peut jouer selon ses propres règles.
Simple et efficace, cette toile rose non dénuée d’élégance et d’espièglerie a le mérite de mettre en lumière une personnalité sympathique tout en propageant un doux parfum d’insouciance.
Film produit en 1978. Il est rare et on peut le trouver en ligne en différentes versions. Je l’avais vu au Festival Chéries Chéris 2012. Il est dispo en VOD sur Pinklabel mais doublé en anglais…