FICTIONS LGBT

LE SENTIER DU DIABLE (Devil’s Path) de Matthew Montgomery : chemin dangereux

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Premier long-métrage en tant que réalisateur de Matthew Montgomery, Le sentier du diable (Devil’s Path en VO) nous entraine dans un thriller nerveux et sombre au milieu d’une forêt où des hommes ont pour habitude de faire du crusing gay. 

Début des années 1990. On l’appelle Le sentier du diable. Les gens y vont pour se promener, se ressourcer… et pas mal de gays y vont pour s’amuser en toute clandestinité. Noah (Stephen Twardokus), trentenaire à l’évidence asocial et perturbé, y passe le plus clair de son temps. Il n’y a que dans la nature qu’il se sent dans son élément et il préfère les arbres aux êtres humains qu’il perçoit comme cruels et dangereux.On le retrouve alors qu’il écoute, à moitié planqué, du hard rock avec son baladeur tout en observant les passants. Quand surgit le sexy barbu Patrick (JD Scalzo), le regard de Noah se vivifie et il se met instantanément à le suivre. Un peu trop pressé, il bouscule deux hommes qui n’ont pas l’air commodes et qui ont l’air de le suivre. 

Après quelques pas seulement, Noah trouve Patrick assis en train de chercher un peu de compagnie. Il lui fait maladroitement la conversation en sortant un jeu de tarot. Pas là pour se prendre la tête, Patrick s’esquive quand s’ajoute un autre inconnu qui n’est pas à son goût. Noah le suit et se retrouve face à un chemin interdit : deux hommes ont été portés disparus après l’avoir emprunté. Patrick, véritable tête brûlée, y va malgré l’interdiction. Noah, bien qu’anxieux, décide de faire de même. Alors que le barbu fait clairement comprendre à celui qui a l’air de lui tourner autour qu’il n’est pas franchement intéressé, Noah lui demande de l’attendre le temps qu’il aille juste faire pipi. Il ne revient pas après de longues minutes, un des deux hommes peu commodes aperçus précédemment revient de la direction où Noah était allé et détale brusquement en ayant la main en sang. Patrick retrouve Noah au sol qui vient d’être frappé d’un coup de pierre au visage : les deux hommes peu commodes sont visiblement des homophobes qui « chassent » des gays dans ce sentier pour les violenter voire les abattre. 

Quand resurgissent les deux brutes, les garçons prennent la fuite. Ils vont essayer de fuir ces agresseurs tout en évitant de se perdre dans la forêt, chose qui n’est pas gagnée. Alors que les heures passent et que la tension monte au point que les deux compagnons d’infortune se mettent à craindre pour leur vie, de sombres souvenirs et secrets les concernant refont surface… 

le sentier du diable film

Les amoureux de films à thématique gay connaissent Matthew Montgomery comme acteur. Il était l’une des grandes figures d’un certain cinéma gay indépendant du début des années 2000-2010 s’illustrant entre autres dans des films comme les intrigants thrillers gays Socket et Pornography, un thriller ou les romances Relation durable (Long Term Relationship), Redwoods ou Jeux de rôle pour ne citer qu’eux. Popandfilms a clairement un crush sur cet acteur qui n’a pas eu peur d’affirmer son homosexualité quand cela était encore compliqué de le faire et que cela pouvait impliquer de ne le cantonner que dans ce type de productions. On a toujours senti chez lui une générosité dans le jeu, un véritable plaisir de participer à ces productions très indés mais faites avec le coeur et parfois de l’audace. Le sentier du diable est son premier film en tant que réalisateur et plutôt qu’une romance (genre qui l’a le plus popularisé), il a décidé d’opter pour la noirceur du thriller. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’y va pas de main morte ! 

Dès les premières minutes, ce long-métrage déploie une atmosphère poisseuse et hautement névrosée en suivant les pas d’un personnage principal à l’évidence très perturbé. Matthew Montgomery fait de la forêt et son sentier un labyrinthe morbide. Articulé comme un tour de manège qui réserve son lot de surprises, ce thriller réalisé avec peu de moyens et qui repose avant tout sur un duo de comédiens chacun parfait dans leur rôle ne manque pas de nervosité. Ce n’est clairement pas le film « feel good » à regarder pour se changer les idées, les thématiques abordées étant très sombres et convoquant de nombreux traumas mais pour les amateurs de thrillers à thématique gay on est sur un bon niveau. On a du mal à déceler là où l’intrigue va nous mener et jusqu’à un final glaçant qui nous plonge au coeur d’une triste folie la tension ne faiblit pas. 

le sentier du diable film

Au coeur d’une forêt qui apparait autant comme un refuge que comme un espace dangereux où la sauvagerie peut se déployer à tout moment, Le sentier du diable raconte avant tout les traumas de l’enfance, le sentiment de solitude et d’isolement qui s’ensuivent et aussi le vertige d’une homosexualité vécue dans la honte, la douleur, la clandestinité. C’est aussi une variation sur la monstruosité de chaque être humain. On s’interroge tout le long sur qui va avoir la peau de l’autre dans cet étrange et volontairement malsain jeu du chat et de la souris. Un premier essai prometteur. 

Film produit en 2018 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3