FICTIONS LGBT

LES AMANTS ASTRONAUTES de Marco Berger : du désir et des mots 

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Cinéaste gay devenu culte, Marco Berger revient en très grande forme avec Les amants astronautes ( Los amantes astronautas en VO ), un film fidèle à ses obsessions et extrêmement sexy et attachant. Un de ses meilleurs. 

Pedro (Javier Orán) quitte l’Espagne pour aller passer des vacances chez son cousin en Argentine. Ce dernier a invité dans sa grande maison près de la plage plusieurs amis ainsi que sa copine. Parmi eux, il y a Maxi (Lautaro Bettoni), que Pedro a connu quand il était petit garçon. 

Dès l’instant où Pedro et Maxi se retrouvent, la complicité est totale. Joueur et enfantin, Maxi, qui est hétéro et a récemment rompu avec sa copine, se met à asticoter Pedro dont il sait qu’il est gay. Il lui dit qu’il n’a pas l’air gay et que c’est marrant car son ex petite amie lui disait à lui qui est hétéro qu’il avait l’air gay. Ce à quoi Pedro rétorque que les astronautes n’ont pas l’air non plus d’être des astronautes quand on les voit dans la vie de tous les jours. 

Sur le ton de la blague, Maxi flirte avec Pedro, se met à parler de choses très intimes, à le titiller, le provoquer. Et Pedro ne manquant ni de répondant, ni de mordant, ni d’humour, ce petit jeu va se poursuivre pendant toutes les vacances, repoussant un peu plus chaque jour les limites. Les blagues et autres insinuations graveleuses s’accumulent, les petites provocations abondent (ils se cherchent, se matent, se frôlent, se provoquent, sont tout le temps collés l’un à l’autre, s’isolent souvent du groupe). Ils se mettent à s’imaginer ce que cela donnerait si Pedro tombait amoureux de Maxi, s’ils s’embrassaient, s’ils couchaient ensemble… 

Alors que le curseur est poussé de plus en plus loin, le trouble n’en finit plus de grandir dans ce jeu de chaud-froid qui rend fou et explose les compteurs de la montée du désir. Pedro et Maxi finissent en effet par faire croire à leur entourage qu’ils sont ensemble et se mettent en scène de façon à être crédibles. La question de savoir où s’arrête le jeu et où se situe la vérité dans le lien très particulier qu’ils tissent plane constamment… 

les amants astronautes film

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Un garçon gay ou bi attiré par un hétéro beau et ambigu : c’est un schéma récurrent du cinéma de Marco Berger (dans Plan B, Taekwondo et Le colocataire notamment qui sont les meilleures oeuvres de sa filmographie). Il faudra désormais y ajouter Les amants astronautes. Si les plans transcendant la beauté masculine, l’homoérotisme et le fétichisme délicat qui ont fait de Marco Berger l’un des cinéastes préférés des gays cinéphiles ne manquent pas, ici il met autre chose au premier plan : l’irrésistible désir que peut susciter la parole. Dans le jeu de taquinerie et de séduction dissimulée auquel s’adonnent Pedro et Maxi, les mots ont toute leur importance. Maxi n’en finit plus de parler de son entrejambe et d’en vanter la beauté, entre autres choses… Nous assistons, scotchés, au magnétisme qui s’opère par le biais de simples conversations « entre mecs », par ces échanges verbaux qui nourrissent le fantasme. Une montée du désir cérébrale en diable, la jouissance de l’exercice verbal. 

Pedro et Maxi se sont connus petits garçons et ils jouent ici à se tourner autour comme des sales gosses. Leur petit jeu mute peu à peu, devenant de plus en plus intense et flou alors que petit à petit les gestes, le toucher, se mettent à se mêler à la parole. L’ensemble, outre un filmage imparable de sensualité, est diablement ludique. Et on réalise une fois de plus le génie de cinéaste de Marco Berger qui arrive à faire durer et à intensifier son jeu de désir pendant près de 2 heures sans que la tension ne se relâcha jamais, bien au contraire. 

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On est constamment troublés, on rit beaucoup aussi face à la folie douce de certaines situations, on devient les complices de cette drôle d’intimité qu’inventent ces deux garçons dont l’alchimie crève constamment l’écran. Et on a un peu peur aussi car on finit complètement perdu à se demander où tout cela va bien pouvoir mener et à quel point l’un des deux pourrait souffrir si l’autre en venait à arrêter la partie. A force de jouer pour de faux les « astronautes » qui se désirent, qui ne cessent de se regarder et de se sourire, mimant une relation en devenir, Pedro et Maxi forment un irrésistible couple à l’écran et en société que personne ne veut voir se déliter. Et si Maxi était juste un baratineur narcissique ? Et si Pedro n’en avait finalement rien à faire ? Le doute va longtemps persister et monter crescendo jusqu’à donner le tournis. 

Porté par ses deux ravissants interprètes qui livrent une prestation marquante et une mise en scène magnétique, Les amants astronautes est aussi hot, amusant, touchant qu’attachant. Une merveille qui réjouit de bout en bout. 

Film produit en 2024 et présenté au Festival Chéries Chéris 2024 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3