COURTS

Les meilleurs courts-métrages gays et queer du Festival Chéries Chéris 2019

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Chaque année, le Festival Chéries Chéris réserve son lot de révélations avec ses compétitions de courts-métrages. Pop and films a vu les 4 séances de courts-métrages à thématique gay et la séance de courts queer de cette année et voici les coups de coeur du blog, en toute subjectivité 🙂

« AUSSI FORT QUE TU PEUX » de Mathieu Morel

aussi fort que tu peux mathieu morel

C’est clairement LA révélation de cette année à Chéries Chéris. En explorant l’amitié amoureuse de deux garçons contraires à la sortie de l’adolescence, Mathieu Morel signe un film audacieux et charnel où le romantisme se frotte aux ténèbres de la sexualité extrême. Un énorme coup de coeur qui valait bien une grande critique à (re)lire ici.

« RUINES » de Benoît Duvette

On retrouve dans ce court-métrage Simon Royer qui a définitivement marqué l’édition Chéries Chéris 2019 côté courts-métrages puisqu’il tient les rôles principaux des deux courts les plus audacieux de cette année. Après Aussi fort que tu peux le voici donc dans Ruines de l’artiste pluridisciplinaire Benoît Duvette. Il donne cette fois la réplique à l’intrigant Paul Lecomte dans cette oeuvre aussi abstraite que troublante.

Les voix off racontent les sentiments de deux garçons qu’on devine être à la fin de l’adolescence. Parfum de passion, rêve d’amour absolu. Mais ces émotions sont à l’évidence vécues dans la douleur. Le personnage de Simon Royer est comme un petit garçon qui aime mais a peur, dépassé par cet objet du désir qui lui échappe. Le personnage de Paul Lecomte est en effet possiblement vénéneux, attiré par la destruction et la mutilation.

Ce qui est très beau ici, c’est ce caractère insondable et hypnotique (avec une apogée sensuelle lors d’une scène dans une voiture abandonnée à l’érotisme puissant et étrange). Qui sont donc ces deux garçons ? Se sont-ils perdus en forêt ? Fuient-ils leurs proches pour s’aimer librement ? Sont-ils en cavale ? Benoît Duvette joue avec notre imaginaire et délivre un film à la fois physique (en terme de sensations mais aussi via un travail sur le corps) et poétique. C’est, esthétiquement parlant, très abouti et enivrant. La photo est superbe et Ruines a quelque chose d’intemporel. Une pure oeuvre d’artiste, peut-être clivante mais ô combien précieuse, qui conjugue les différents arts avec aisance. Une belle audace et un talent certain pour nous hanter avec des plans qui flirtent presque avec le fantastique. De quoi rendre cette histoire de fuite et de perte obsédante à souhait.

« LES SAINTS DE KIKO » de Manuel Marmier

Manuel Marmier avait fait une apparition en tant qu’acteur dans le très beau film « Domaine » avec Béatrice Dalle et avait aussi et surtout signé la direction de la photographie des films « Théo & Hugo dans le même bateau » et « Haut Perchés » de Ducastel et Martineau. Avec son court Les Saints de Kiko il dessine son propre univers, différent et original. 

C’est donc l’histoire de Kiko (Lika Minamoto), une illustratrice japonaise en mission en France. Alors que son mari et son employeur font pression pour qu’elle rentre plus tôt que prévu, la voilà happée par une vague d’inspiration. En effet, depuis que Kiko a vu deux grands gars costauds (François Burgun et le toujours méga hot Arthur Gillet) s’adonner au plaisir au bord de l’eau, elle découvre le choc esthétique de l’homoérotisme. Complètement obsédée par ces mâles, elle se met à les épier, allant jusqu’à voler un manga gay érotique appartenant à l’un des deux hommes. Légèrement maladroite, cette artiste voyeuse et timide va vite se faire remarquer par les objets de sa fascination. Un lien singulier et tendre va peu à peu s’instaurer entre ces trois personnages, permettant notamment à Kiko d’avoir une véritable révélation artistique et de prendre son indépendance.

Le film est un ravissant tourbillon qui mêle comédie, homoérotisme, dessin, féminisme et manga entre autres choses. C’est très bien réalisé, doux et coloré, et la façon qu’a Manuel Marmier de marier les différents arts de façon ludique est irrésistible. Un feel good movie à la fois craquant, tendre, torride et attachant.

« JUST PAST NOON ON TUESDAY » de Travis Mathews

Quel plaisir d’avoir des nouvelles de Travis Mathews dont on avait tant aimé le court et le long-métrage « I want your love » ainsi que sa collection In their room entre San Francisco et Berlin. Le réalisateur américain a cette fois-ci tourné au Brésil et on retrouve dans Just past noon on Tuesday sa façon si particulière, à la fois chaude et belle, de filmer le sexe entre garçons.

Un homme vient de mourir, retrouvé mort d’une overdose dans un sauna. Les membres de sa famille ne souhaitent pas vraiment ébruiter la chose. Un de ses amants, que la famille a pris pour son petit-ami, se retrouve à avoir accès à son appartement. Il squatte, fouille un peu, trouve des carnets où le défunt parlait de ses partenaires. Et puis vient sonner à la porte un autre amant.

C’est un deuil sous forme de parenthèse charnelle. Le sexe y est tour à tour incarné, intense et bestial. Travis Mathews évoque aussi au passage ici la mode très dangereuse du chemsex, traitée sans jugement. La touche arty / underground gay. 

« MOTHER’S » de Hippolyte Leibovici

C’est un très beau court-métrage que délivre Hippolyte Leibovici avec Mother’s. Ce documentaire d’une vingtaine de minutes pénètre dans la loge d’une famille de drag-queens bruxelloises et raconte leur histoire et leurs états d’âme au fil d’une intense conversation.

La drag queen la plus âgée, figure maternelle, instigue un dialogue entre plusieurs générations. Il y est question de la liberté d’oser être soi, du plaisir d’affirmer sa part féminine, du bonheur que peut offrir la transformation en drag queen mais aussi de la difficulté d’en parler à ses proches. Entre petits pics rigolos, leçon de vie et témoignages émouvants, le film est une belle déclaration d’amour à ces heroines de la nuit. La caméra scrute leurs visages qui racontent tous une histoire avant un final flamboyant qui donne le frisson.

« TENDRESSE » de Maxime Rappaz

La tendresse peut survenir là où on ne l’attend pas. C’est ce que rappelle ce court-métrage atmosphérique du réalisateur suisse Maxime Rappaz. On y suit le temps d’une nuit les déambulations d’Adrien (Adrien Savigny), jeune gay se rendant pour la première fois dans un sexclub. D’abord intimidé, il tourne, observe sans oser. Au fil de la soirée, il va se laisser aller aux expériences et prendre petit à petit plus d’assurance dans les jeux de séduction.

C’est un joli condensé de ce qui peut se passer dans ces établissements qui ont souvent mauvaise réputation alors qu’ils apportent la plupart du temps bien plus de contacts humains que ces satanées applications. Au scabreux se mêle une tendresse réelle. Celle des étreintes suaves, du lâcher prise mais aussi ces petits regards, un « merci » après un moment de plaisir. Maxime Rappaz montre les complicités d’un instant qui peuvent se créer et s’appuie sur de très bons acteurs qui donnent en peu de temps et avec peu de mots de l’épaisseur à leur personnage (comme Arsinée Khanjian en tenancière du lieu ou Pierreandré Boo en travesti élégant et sentimental). Avec en prime un filmage des corps dans leur diversité.

« MASCULINE » de Zoé Chadeau

Ça commence par une étreinte torride entre un très sexy barbu, Arthus (Arthur Leparc), et une drag queen, Miss Agatha Pettibone (Harald Marlot). Passé le plaisir, Arthus reste dans l’appartement où il a fini la soirée, se demandant un peu ce qu’il fait là. Il est troublé, lui qui a toujours été obsédé par la masculinité, la virilité, ce besoin d’être un mec dont on ne devine pas qu’il est gay, d’avoir été attiré par une drag queen.

On n’est pas loin du clash mais Miss Agataha Pettibone ne se laisse pas faire et rabaisser comme ça ! Un dialogue très intéressant se noue entre ces deux gays contraires et clairement celui qui a des problèmes d’insécurité et est mal dans sa peau est Arthus. Il est complètement dépassé par ce qu’il ressent, par son désir, et va être amené à dépasser ses préjugés le temps d’une nuit révélatrice.

C’est peu dire que cette obsession du « masc for masc » reste une plaie pour beaucoup de gays qui ne supportent pas les folles, les drags, les garçons qui assument leur part féminine. Avec beaucoup de douceur, la réalisatrice Zoé Chadeau expose les clichés et les fait voler en éclats pour laisser briller la tendresse et qui sait raconter la naissance d’une belle histoire inattendue. Avec en prime un beau numéro musical sur fond de Fishbach.

« 4 FROMAGES » de David Chausse

On reste dans le choc des genres avec 4 Fromages qui suit la journée de galère de Malik (Aïmen Derriachi), un ptit gars de cité pas avare en idées reçues,  qui rate une livraison de pizza et se fait virer. Il se retrouve bloqué sur un toit d’immeuble avec face à lui Jules (Yuming Hey), un garçon queer au caractère bien trempé. Sans faire exprès Malik a refermé la porte et ils sont coincés.

L’affrontement est frontal, parfois violent dans les mots. Les caractères excessifs des deux protagonistes fait rapidement sourire et ça s’en donne à coeur joie côté répliques. Une véritable joute verbale à travers laquelle deux personnes qui à la base se méprisaient vont peu à peu s’apprivoiser et se laisser toucher l’un par l’autre. C’est bien exécuté et le duo Aïmen Derriachi et Yuming Hey est très savoureux.

« LA TRACTION DES PÔLES » de Marine Levéel

La réalisatrice française Marine Levéel raconte avec beaucoup de douceur et d’humour le quotidien d’un trentenaire gay agriculteur dans ce court-métrage tout coloré. La campagne c’est joli et calme mais parfois justement c’est un peu trop calme. Rien que la présence à quelques kilomètres d’un autre homme devient un événement. Autant dire que le personnage principal, l’attachant Mickaël (Gilles Vandeweerd), se sent bien seul. Pour ne rien arranger, il attend le résultat pour une certification et un de ses cochons s’est enfui.

La mise en scène est délicate, entre poésie et kitsch mignon, et La traction des pôles raconte aussi bien la dureté du métier d’agriculteur de nos jours et l’isolement qui va avec que les rêves d’un homme gay solitaire malgré lui. Dans les parages, un bel ami – le très choupi Paul interprété par Victor Fradet – pourrait bien mettre des étoiles dans les yeux à notre tendre héros. Un court cute et attachant.

« PD » de Olivier Lallart

Un adolescent qui n’assume pas son homosexualité au lycée et voit son secret révélé, devenant le sujet de toute la cour d’école : il y en a eu des films sur ce sujet et en voici une version 2019 rondement menée.

Thomas (Paul Gomérieux) est timide et fait semblant de s’intéresser aux filles quand il est avec ses potes. Mais lors d’une soirée, en jouant au jeu de la bouteille, il embrasse Esteban (très sexy Jacques Lepesqueur), le bad boy du lycée. Et avoue dans la foulée à un de ses amis que oui ça lui a plu. Pas de chance : le pote raconte sa confidence à tout le monde et les commérages teintés d’homophobie fusent.

Si Olivier Lallart, dans un soucis de rendre son film accessible au plus grand nombre et susciter le débat, n’évite pas quelques passages obligés, PD ne manque pas de souffle, est joliment interprété et emporte par sa réalisation pop dans l’ère du temps. On retiendra notamment une belle scène où un prof secoue ses élèves immatures en leur démontrant par A+B comme leur homophobie latente est débile. Et surtout l’amour contrarié entre Thomas et le très hot et vénéneux Esteban est d’une belle intensité. Subtilement, Olivier Lallart montre comment on peut facilement débuter sa vie amoureuse et sexuelle dans la peur, le déni et la violence (pas un hasard si les rapports domi-soumis sont tellement légion une fois devenu adultes) mais aussi comment on peut s’en extraire en ayant le courage de faire le pas de l’acceptation (le final est kitschouille et irrésistible, mettant du baume au coeur).

« PISS OFF » d’Henry Baker et Athleticpisspig

C’est ce qui s’appelle un documentaire qui décoiffe ! Si vous ne connaissez pas Athleticpisspig (qui a été suivi par quelques 80 000 personnes sur ses réseaux), vous en prendrez ici plein les yeux. Ce garçon au corps sculpté est devenu un petit phénomène x grâce à ses vidéos d’exhib où il s’adonne sans retenue à des jeux uros.

C’est une plongée sans filet dans le trip uro que propose le réalisateur Henry Baker avec en illustration interviews et images d’Athleticpisspig. Des images complètement folles de plans débridés très mouillés en exhib à l’extérieur. C’est peu dire que le garçon n’a pas froid aux yeux, invitant des gens à l’asperger ou déversant des bouteilles remplies sur lui dans l’espace public. On regarde tout ça les yeux écarquillés : c’est totalement fou et totalement libre.

L’audace et la folie d’Athleticpisspig lui ont valu d’être considéré par certains comme un véritable performer. S’il n’assume pas cette étiquette arty, force est de constater que si elles peuvent choquer ou retourner ses vidéos proposent des images souvent jamais vues qui ne peuvent que faire réagir. Et si certains auront des haut le coeur, on ne peut que saluer cette façon si libre et je m’en foutiste de vivre son délire jusqu’au bout.

Le court s’achève toutefois sur un petit parfum d’amertume précisant que cette liberté a été fortement censurée et réprimée à l’heure où Internet reste bien moins libre qu’il n’y paraît. Contenus bannis suite à la disparition du Tumblr qu’on aimait, inconnus signalant aux employeurs d’Athleticpisspig ses activités x pour lui causer du tort… Des intimidations qui ont amené le performer a retirer la quasi totalité de ses productions de la toile. En introduction de la projection, Henry Baker déclarait « Aimer l’uro c’est un peu comme être dans le placard à l’intérieur du placard ».

« SHOW » de Pauline Amelin

La réalisatrice Pauline Amelin raconte une jolie rencontre avec Show où deux amies drag queens viennent faire un spectacle dans une salle des fêtes où sont présents des retraités. Le show n’est pas vraiment du goût de tout le monde dans cette petite bourgade isolée aux esprits obtus. Line (Catherine Giron) observe avec ses copines et juge les performeuses. C’est alors que l’extravertie Marlène (Thomas Coumans) vient bousculer cette femme un peu coincée. Une conversation commence et petit à petit les préjugés vont sauter. Grâce à cette belle créature de la nuit, Line va apprendre à s’affirmer davantage et reprendre confiance en elle-même et en son corps.

Le film assume complètement la carte du kitsch et du tendre et en résulte un court attachant porté par un très joli duo d’acteurs. Mention spéciale au beau Thomas Coumans absolument parfait dans la peau de la délicieuse Marlene.

« DIX PIX » de Steven Fraser

C’est un petit film d’animation tout court (moins de 4 minutes) mais qui est du meilleur effet. Steven Fraser propose une animation de qualité, parfois pop et parfois un peu malaisante, en traitant d’un sujet trivial mais universel pour les gays : pourquoi les mecs envoient-ils des photos de leur sexe sur les applis ? Les dessins illustrent avec une belle imagination des témoignages révélateurs et qui donnent souvent le sourire.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3