FICTIONS LGBT
OPÉRATION HYACINTHE de Piotr Domalewski : homosexualité clandestine à Varsovie
Opération Hyacinthe nous plonge dans une période trouble de l’Histoire de la Pologne en suivant une enquête à Varsovie pendant les années 1980. Un polar à thématique gay réussi et joliment réalisé.
Varsovie, 1985. Robert (Tomasz Zietek) est un policier en pleine ascension, très dévoué à son travail et consciencieux. Ses efforts commencent à être reconnus et son père, qui officie comme colonel et qui n’est pas du genre tendre ou démonstratif, en serait presque fier.
Avec d’autres collègues, Robert participe à l’Opération Hyacinthe. Entre 1985 et 1987, de nombreuses arrestations de personnes homosexuelles ont été réalisées. Interrogatoire, création de dossier, questions indiscrètes, sans parler des pressions et autres violences. Le film nous montre une homosexualité vécue dans une totale clandestinité (la plupart des hommes gays sont mariés ou mènent une double vie, ne pouvant clairement pas assumer au grand jour qui ils sont).
Robert n’a pas de soucis à priori avec cette minorité même si elle semble assez loin de lui. Homme sans histoires, sur le point de se marier à sa petite amie qui travaille aux archives de la Police, il ne juge pas ces hommes qui se rencontrent dans des toilettes publiques et autres soirées organisées dans des villas ou appartements dans le plus grand des secrets. Alors qu’il se retrouve à enquêter sur le meurtre énigmatique d’un homme influent qui était visiblement gay, Robert remarque que ses supérieurs ont envie de classer très rapidement l’affaire. Il sent que quelque chose cloche et ,passionné par son travail et sa mission comme il est, ne peut s’empêcher d’investiguer de son côté. Même quand on commence à lui faire comprendre qu’il serait temps qu’il passe à autre chose, il ne peut pas s’en empêcher : début d’une obsession.
Alors qu’il tente de recoller les morceaux de cette affaire sensible, Robert se lie d’amitié avec un jeune gay, Arek (Hubert Milkowski), qu’il a rencontré lors d’une descente de Police sur une aire de drague. Suite à quelques quiproquos, Arek pense que Robert est gay comme lui et ne se doute pas du tout qu’il est membre des forces de l’ordre. Robert va utiliser leur lien naissant pour obtenir de précieuses informations. Mais au fil des jours, alors qu’il devient clair que ses supérieurs et son institution cachent des choses très graves, Robert perd peu à peu pied et va être amené à se remettre profondément en question…
Les polars à thématique gay sont rares, ce genre cinématographique étant souvent assez viriliste et peu gay friendly. Cela fait donc plaisir de découvrir Opération Hyacinthe qui dispose qui plus est d’une mise en scène soignée et d’une jolie photographie. On replonge aux côtés du charmant et moustachu personnage principal au coeur de Varsovie dans les années 1980. Homophobie omniprésente, homosexualité tenue de rester secrète.
Outre le magnétisme sensible et troublant de son interprète principal plus ambigu qu’il n’en a l’air, ce long-métrage nous tient bien en haleine, jouant avec les codes du thriller, faisant habilement monter le suspense pour nous amener au coeur d’une spirale de plus en plus infernale. C’est sombre, parfois douloureux, intense, avec très peu d’espoir.
A l’instar du Bal des 41, le film nous amène à revisiter une page sombre de l’Histoire avec en toile de fond une romance cachée et que l’on devine possiblement condamnée d’avance.
Des décennies sont passées depuis mais on ne peut s’empêcher de penser, à l’heure de l’écriture de ces lignes, à ce qui peut se passer en Tchétchénie ou même en Russie. Tristement universelle, cette histoire résonne, a une force politique en plus de sa réussite artistique indéniable. À voir !
Film sorti en 2021 sur Netflix