FICTIONS LGBT
SOLEIL BRÛLANT (Golpe de Sol) de Vicente Alves do Ó : règlements de compte
4 amis dans une belle villa avec piscine voient leur séjour idyllique tourner à l’angoisse et aux confrontations alors qu’un amour du passé se prépare à leur rendre visite. C’est le pitch de Soleil brûlant, film en mode exercice de style par Vicente Alves do Ó, réalisateur du film Al Berto.
Il fait beau, il fait chaud, et Simão (Ricardo Barbosa), Vasco (Ricardo Pereira), Francisco (Nuno Pardal) et leur amie Joana (Oceana Basilio) prennent du bon temps dans leur villa avec piscine. Et puis voilà que David appelle. Il va leur rendre visite, il est en route. La nouvelle génère une appréhension et des silences qui en disent long. Chacun est tiraillé entre l’envie de revoir cette personne aimée et perdue de vue depuis 10 ans et la peur de se confronter à des douleurs encore à vif malgré le temps qui est passé. Petit à petit, chacun révèle son lien à David et révèle ainsi une part de sa personnalité…
On pénètre dans le film et donc dans la villa sans savoir qui est qui. Ainsi au départ pense-t-on assister aux vacances d’un couple hétéro et d’un couple homo. Ils s’avèrent que les trois garçons sont plutôt gays (à l’exception peut-être de Francisco qui visiblement est bi). Ils ont en commun, tout comme leur amie Joana, d’avoir été amoureux de l’énigmatique personnage de David. C’est donc un curieux cercle d’amis, assez incestueux, aux liens particulièrement ambigus. Car chacun s’est plus ou moins à un moment jalousé, détesté. Plus encore, on devine des attirances encore en place entre les membres de ce carré bien plus toxique qu’il ne veut l’admettre.
Le réalisateur Vicente Alves do Ó joue sacrément avec les nerfs du spectateur en étirant son mystère sans lui donner à terme ce qu’il attendait dès le départ. Le rythme est assez lent, contemplatif et fait pour le coup de l’oeuvre une sorte d’exercice de style, presque une expérimentation. Ça ne plaira donc pas à tout le monde mais pour les plus patients et adeptes de drames psychologiques sensibles, il y a de quoi faire avec des personnages bien développés et ambivalents. Surtout, la mise en scène est maîtrisée, rendant ce huis clos de plus en plus pesant et asphyxiant tout en jouant sur l’érotisme des corps avantageux de ses beaux acteurs.
La belle idée du film est de nous dire quelque part que l’on découvre vraiment qui est quelqu’un dans la façon qu’il a d’aimer. Les quatre protagonistes ont tous une histoire avec ce David qu’ils attendent et redoutent et constituent 4 chemins très différents, plus ou moins intenses, émouvants voire presque tragiques.
En arrière-plan, il y a également la thématique du temps qui passe, du vieillissement : ces 4 beautés approchent doucement de la quarantaine, d’un âge où on a tendance à faire le point et où l’on peut avoir la sensation de définitivement tourner le dos à sa jeunesse. Ils sont à un tournant de leur existence où ils vont devoir choisir entre avancer, s’extraire de leurs obsessions et cercles vicieux ou bien ressasser encore et encore des choses qui ne pourront sans doute jamais être effacées ou rattrapées.
La mise en scène semble nous indiquer qu’en restant ensemble, ces 4-là essaient tout simplement d’échapper à un monde qu’ils perçoivent comme une menace. Dans leur belle villa, ils restent là à bronzer, manger, faire les beaux tandis que dehors un incendie se déclenche et des sirènes abondent. Et il y a aussi ces mouches qui viennent se coller à eux en permanence comme pour leur rappeler si besoin était que derrière cette image parfaite et lisse qu’ils cherchent à renvoyer il y a toujours un petit truc qui démange ou qui fait tâche. Et si David au départ est évoqué comme s’il était un potentiel pervers narcissique, il s’avère au final que plus d’une personne dans l’assemblée a peut-être des choses à se reprocher à son égard…
S’il tire parfois un peu trop la corde de son suspense psychologique, ce drame bourgeois, sensuel et tendu fait son petit effet.
Film produit en 2018. Disponible en DVD aux éditions Optimale et sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen