FICTIONS LGBT
THE BOYS IN THE BAND de Joe Mantello : pénible soirée
50 ans après le film réussi de William Friedkin, The boys in the band, pièce à succès de Broadway, bénéficie d’une nouvelle adaptation pour Netflix produite par Ryan Murphy et réalisée par Joe Mantello. Était-ce vraiment nécessaire ?
New York, 1968. Michael (Jim Parsons) organise dans son appartement avec terrasse la soirée d’anniversaire de son ami Harold (Zachary Quinto). Une fête entre hommes gays. Donald (Matt Bomer), ami proche de Michael, arrive en avance alors que son rendez-vous psy a été annulé. Puis défilent les uns après les autres les convives : le survolté Emory (Robin de Jesus), le couple Hank (Tuc Watkins) et Larry (Andrew Rannells) qui compose avec des problèmes d’infidélité, le distingué et sensible Bernard (Michael Benjamin Washington). S’invite également un jeune homme sexy et candide habillé en Cowboy (Charlie Carver) qui a été payé pour offrir une nuit de folie à Harold.
Alors que tout le monde attend Harold qui est une fois de plus en retard, Michael est nerveux à l’idée que débarque au coeur de la soirée Alan (Brian Hutchison), son ancien colocataire hétéro à qui il a toujours caché son homosexualité. Ce dernier l’a appelé en larmes en lui disant qu’il avait besoin de lui parler et s’est un peu incrusté. Michael demande à tous les invités de prendre sur eux pour tenter de masquer leur homosexualité afin de ne pas froisser son ami et surtout afin qu’il ne se doute pas que Michael est gay. Alan annule finalement sa venue… puis finit par débarquer à l’improviste.
Malgré la demande de Michael, ses amis, Emory en tête, ont bien du mal à se contenir et à prétendre être ce qu’ils ne sont pas. Alan commence à comprendre et les choses dérapent. Il se sent notamment très mal à l’aise face à Emory qu’il trouve trop efféminé et qu’il finit par offenser. Après l’arrivée d’Harold et l’altercation entre Alan et Emory la soirée tourne progressivement au désastre. Michael craque doucement et se met à attaquer un à un les invités, déployant notamment un jeu humiliant qui va révéler le mal de vivre, les failles et frustrations de chacun de ses amis…
La pièce originale est exigeante, avec un débit très rapide. La première adaptation au cinéma signée William Friedkin rassemblait les comédiens (pour la majorité peu connus) du spectacle initial à l’écran. Joe Mantello convoque ici la majorité des interprètes des comédiens de l’une des dernières adaptation de Broadway (nettement plus connus et pour la plupart fidèles des productions Ryan Murphy). Et dès les premières minutes le constat est sans appel : pour ceux qui ont vu la première adaptation de Friedkin, la comparaison fait mal, très mal.
Le réalisateur Joe Mantello n’est pas un débutant pourtant, il avait notamment réalisé le film gay culte Love ! Valour ! Compassion ! Mais il a ici bien du mal à insuffler du souffle à tous ces échanges entre gays mal dans leur peau. La mise en scène est assez plate, manque de personnalité, souffre de problèmes de rythme et n’apporte vraiment pas grand chose par rapport à la première adaptation (quelques subtilités, des flashbacks pas désagréables mais pas transcendants non plus, une fin alternative…).
On se demande vraiment pourquoi cette nouvelle adaptation a été lancée. Etait-ce vraiment utile d’en remettre une couche sur le récit de ces hommes gays pseudo-bourgeois complètement névrosés et vivant leur homosexualité dans la culpabilité dans une Amérique ne les acceptant pas encore ? En 1970, à l’époque de la sortie du film de Friedkin, cela faisait sens, témoignait d’un malaise universel, il y avait une sorte de portée politique. Aujourd’hui, cela ne résonne plus trop et le retour à la fin des années 1960 n’est pas trop palpable. La reconstitution est paresseuse. Joe Mantello se contente de recycler des plans du film de Friedkin, le souffle en moins, les émotions plus forcées. Ce sombre portrait apparait ici vidé de toute son essence, de son charme et de son énergie malgré un casting qui donne clairement tout. En vain.
C’est peu dire que les deux heures de métrage ne passent pas vite, avec des personnages qui ne parviennent pas à toucher comme dans le matériau original. On a la sensation pénible d’être nous aussi pris en otage au coeur d’un huis clos dont on se serait bien passé.
Faire une nouvelle adaptation, pourquoi pas, mais si c’était pour faire quelque chose d’aussi paresseux, on ne comprend pas l’utilité. Pour ceux qui n’ont jamais vu le long-métrage de Friedkin, qui est pour le coup un excellent film, cela pourra peut-être mieux passer et leur donner envie de le découvrir mais pour les autres passez votre chemin : on est ici face à une jolie petite erreur industrielle.
Film sorti en 2020 sur Netflix France