FICTIONS LGBT
UN AMOUR CLANDESTIN (Die Geschwister) de Jan Krüger : s’ouvrir
Jan Krüger a tissé une filmographie aussi intrigante qu’exigeante. L’auteur de Pente Douce et de l’excellent Looking for Simon surprend une nouvelle fois avec « Die Geschwister », rebaptisé « Un amour clandestin » pour sa sortie française.
Le spectateur suit le quotidien de Thies (Vladimir Burlakov), un beau trentenaire gay qui travaille pour une agence immobilière à Berlin. Son activité consiste avant tout à louer des appartements dans le quartier de plus en plus branché de Neukölln. Pour avoir une chance d’emménager, il faut se lever de bonne heure : comme dans de nombreuses capitales, les agences et les propriétaires demandent une infinité de documents et de garanties. Tous les jours, Thies et ses collègues doivent composer avec des gens à bout de nerfs.
Lors d’une énième visite d’appartement groupée, l’agent un tantinet blasé croise Bruno (Julius Nitschkoff). Ce dernier finit par le retrouver plus tard et le draguer. D’abord réticent à laisser entrer un inconnu dans sa vie, Thies succombe et écoute l’histoire de ce garçon immigré. Bruno est venu à Berlin pour fuir une vie difficile en Pologne. Il est accompagné de sa soeur qui travaille dur. Ils ont de l’argent mais pas les papiers requis pour obtenir un logement. Irrésistiblement attiré par le jeune homme et touché par son itinéraire, l’agent immobilier lui propose de se poser dans un appartement inhabité dont il a les clés.
C’est une relation étrange et magnétique qui se dessine à l’écran. Thies semble revivre au contact de Bruno avec lequel il partage une liaison torride. Il trouve en lui de l’amour, du désir , mais aussi à travers sa soeur Sonja peu à peu une amitié. Ils matérialisent une compagnie dont il avait besoin, un parfum de liberté qui le fait respirer loin de son quotidien extrêmement morne et étriqué. Mais peut-il vraiment leur faire confiance ? Leur rapport peut-il être sain ?
Jan Krüger déploie une intrigue nimbée d’abstraction où le caractère insaisissable de l’amour et du désir s’oppose à un choc des classes. Un jeu invisible de dominant-dominé se met en place et les rôles s’inversent jusqu’à l’ivresse dans une confusion qui frôle le vertige.
Qui est au final le plus perdu et le plus dépendant entre celui qui est sans papier et ne sait pas où il dormira le soir-même et celui qui a tout mais personne avec qui le partager ? La caméra s’attarde beaucoup sur la beauté froide et le regard mélancolique de Vladimir Burlakov, monstre du capitalisme malgré lui, en quête d’un corps à étreindre, de bras contre lesquels s’oublier.
Film disponible en DVD et VOD aux éditions Optimale et sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen