FICTIONS LGBT
UN COMPAGNON DE LONGUE DATE de Norman René : les survivants
Fire Island, début des années 1980. Willy (Campbell Scott), coach sportif, traîne avec son meilleur ami John (Dermot Mulroney) en rêvant de trouver le grand amour. Dans leur cercle d’amis, le couple formé par David (Bruce Davison) et Sean (Mark Lamos), auteur de soap opéra. Au milieu d’une fête, Willy fait la rencontre d’un craquant barbu avocat, Fuzzy (Stephen Caffrey), avec lequel il entame rapidement une romance. La sœur de ce dernier (Mary-Louise Parker) est ravie qu’il trouve enfin le bonheur et rejoint la bande de Willy. Non loin d’eux évoluent Howard (Patrick Cassidy) un acteur qui vient de décrocher un rôle dans le feuilleton de Sean. Howard est en couple avec son compagnon, Paul (John Dossett).
Tout ce petit monde, vivant dans l’insouciance, va être ébranlé au moment de la parution d’un article du New York Times qui évoque la propagation d’un mystérieux « cancer gay ». John est le premier à tomber malade et d’autres le seront aussi. Nous allons suivre l’évolution de chacun entre 1981 et 1989, entre amour et séparation, entre éclat de vie et mort, pertes et combats…
Adaptation d’une pièce de Craig Lucas, Un compagnon de longue date (Longtime Companion en VO) fut le premier long-métrage américain à sortir en salles abordant le sujet du Sida du point de vue de la communauté gay. Si depuis beaucoup de films ou téléfilms ont été consacrés au sujet, cette fiction traverse le temps sans perdre en intensité et n’a pas volé son statut de film culte. Si la forme est assez classique et télévisuelle, Norman René dresse avec brio le portrait de garçons face à une menace qui les dépasse le temps d’une décennie. L’enfer de ne pas savoir ce qu’est exactement ce virus qui se propage, la peur de l’attraper, le cauchemar de voir ses amis et ceux que l’on aime disparaître progressivement… C’est extrêmement riche en émotion, bouleversant sans être plombant, très doux, ponctué de bons mots et de scènes tendres ou drôles.
Si au départ on a un peu peur face à l’aspect choral du projet (mine de rien, le scénario s’attarde sur de nombreux personnages), Norman René et son scénariste Craig Lucas nous rassurent rapidement, témoignant d’une écriture intelligente et profonde. Chaque protagoniste existe et est attachant à sa manière, rien n’est superficiel bien au contraire. On se surprend à avoir l’impression d’évoluer avec cette bande sympathique et heurtée, à vibrer au rythme de leur quotidien, à être complètement en empathie pour chaque doute, chaque épreuve qui se dresse face à eux.
Si le Sida, son épidémie, le dépassement du milieu hospitalier, constituent le noyau dur du film, il ne s’arrête pas là. Un compagnon de longue date, en évoquant la menace de la mort, renforce tous les aspects essentiels de la vie : la fraternité, l’amour, l’amitié. Les histoires de cœur, toutes personnelles entre désir et érosion du couple, se mêlent au drame de ceux qui sont séparés de force par la maladie. Avec subtilité et nuances, le métrage dresse le portrait d’une époque où l’homosexualité a été un fardeau, où les comédiens gays étaient blacklistés des casting car suspectés d’être malades et contagieux, où les victimes du Sida étaient rejetées par leur propre famille. Peu de colère ici mais au contraire beaucoup d’amour, d’humanité. Comme un rayon de soleil au milieu de l’obscurité, qui donne envie de pleurer avec le sourire, aux côtés de ceux qui se sont battus et ont survécu à la terrible tornade.
Film sorti en 1990 et disponible en import DVD