FICTIONS LGBT

YOU CAN’T STAY HERE de Todd Verow : cruising gay sanglant 

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Todd Verow revient au genre du thriller avec You can’t stay here qui nous amène à suivre , dans les années 1990, un photographe gay qui passe son temps dans une aire de cruising de Central Park où un mystérieux serial killer va opérer… 

Années 1990. Rick (Guillermo Diaz) emprunte régulièrement l’appareil photo du studio où il travaille pour alimenter ses projets photographiques personnels. Il passe la majeure partie de son temps libre dans un coin précis de Central Park connu pour être une aire de cruising gay. Au milieu des buissons, les hommes viennent s’amuser en extérieur, dans un certain anonymat. 

Assurément voyeur, Rick capture l’intimité de ces mâles excités sans leur demander leur autorisation. Il les photographie en train de se déshabiller (comme ce magnifique « jock » interprété par l’iconique Boy Radio) ou même en plein acte sexuel. Véritable Peeping Tom, il navigue tel un serpent dans ces lieux où la sexualité sauvage s’exprime. Son regard est attiré par un jeune homme qui ne semble pas insensible à son charme, Tony (J.J Bozeman). Rick semble par ailleurs attirer les regards sur lui malgré son évident côté taciturne : un homme un peu tristement seul, Hale (Becca Blackwell), le cherche et surtout un mystérieux moustachu vêtu d’une longue veste en latex, Adam (Justin Ivan Brown), l’approche en début de métrage en lui proposant du poppers…

Les jours passent et il apparait clairement que quelque chose cloche : Rick pense assister à une scène de meurtre, il s’avère que plusieurs hommes disparaissent petit à petit. L’auteur des crimes est tout désigné : Adam a le look de l’emploi et ne semble même pas cacher sa sauvagerie. Que faire : aller voir la Police qui fait par ailleurs déjà la chasse aux hommes qui s’amusent dans les environs ? Rick ne peut s’en remettre aux forces de l’ordre : il a malgré lui assisté à un crime et n’a rien signalé, pire il l’a photographié. Et avec toutes les photos qu’il a prises sans consentement… 

Alors que Rick essaie de mener son enquête et confirmer qu’Adam est l’auteur des crimes sanglants du parc, un jeu du chat et de la souris tordu commence entre le présumé tueur et le photographe… 

you can't stay here todd verow

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Il y a définitivement un air de Cruising de William Friedkin dans ce nouveau long-métrage de Todd Verow. Et il faut s’attendre à une fin aussi ambigüe que celle du film culte. Comme à son habitude, Todd Verow a fait son film avec un tout petit budget et cela se ressent à l’écran. Et comme à son habitude, malgré le peu de moyens, le réalisateur ne s’empêche pas de faire le film qu’il a envie de faire et de raconter son histoire avec les moyens du bord. S’il y a définitivement des maladresses à tous les niveaux, que certaines scènes sont parfois un peu ratées, le cinéma est bien là, vivant et en mouvement. Et à plus d’une reprise, on est surpris par la force et la créativité de la mise en scène, l’habileté dans la composition des plans. 

Depuis ses premières oeuvres, Todd Verow arrive à nous raconter des histoires avec beaucoup de nuances, de couches, d’émotions, transcendant ses modestes budgets. Et il parvient aussi très souvent, et c’est le cas ici encore une fois, à marquer. Si on sent bien des influences évidentes (Cruising donc, mais aussi Blow Up et Peeping Tom), ce long-métrage qui n’a pas peur d’aller à fond vers les ténèbres, la folie, la noirceur de l’âme, ne ressemble qu’à lui-même, constitue une aventure de cinéma assez unique. 

you can't stay here todd verow

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Todd Verow parle ici en biais de la solitude de beaucoup de gays dans les années 1990, période sombre et sanglante marquée par le Sida, d’une homosexualité vécue dans la clandestinité et qui va souvent de pair avec son lot de traumas. Pour oublier, s’oublier, le sexe sauvage dans les lieux de cruising est un moyen comme un autre. Les pulsions sexuelles et le désir se mêlent ici définitivement au danger voire parfois au morbide. 

You cant’ stay here dit le titre de ce film qui nous renvoie à ces interdictions, ces tabous, ces choses à ne pas faire mais que l’on fait quand même, trop attirés par la force noire du frisson.

Assurément divertissante, cette nouvelle oeuvre inclassable nous balade, imprévisible à souhait, jouant avec nos pulsions et nos limites. Dans le rôle principal, Guillermo Diaz est parfait d’ambivalence et se fond complètement dans un personnage beaucoup plus complexe qu’il n’en a l’air. Il est filmé avec une réelle sensualité qui fait plaisir à voir (ça n’est pas encore tous les jours que le beau mec d’un film est un barbu avec des formes). 

Film produit en 2023 et présenté au Porn Film Festival Berlin 2023 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3