ELEPHANT (SLON) de Kamil Krawczycki : rester ou partir ?

By Gaspard Granaud | 19 novembre 2022

Premier long-métrage du réalisateur polonais Kamil Krawczycki, Elephant (Slon pour son titre international) suit la romance de deux garçons confrontés à l’homophobie en milieu rural. 

Campagne polonaise. Bartek (Jan Hrynkiewicz) vit seul avec sa mère et gère tant bien que mal la ferme familiale. L’absence du père pèse lourd et la mère peine à cacher sa dépression et sa dépendance à l’alcool. Les fins de mois sont souvent difficiles et Bartek s’inquiète de potentiellement perdre ses chevaux qu’il adore. 

Lorsqu’un voisin du village décède, son fils – désigné par tous comme ingrat -, Dawid (Pawel Tomaszewski), débarque pour gérer les formalités. S’il est dans le viseur des habitants du coin, c’est parce qu’il a osé fuir sa terre natale, délaissant son père, ne pensant qu’à lui. Et on comprend rapidement pourquoi : le père avait à l’évidence du mal avec l’homosexualité de son fils. 

Bien que différents, Bartek et Dawid vont rapidement se rapprocher. Dawid n’a aucun allié dans les parages et Bartek est fasciné par ce beau barbu sexy, cool et indépendant. Progressivement, ils passent tout leur temps libre ensemble et le désir monte.

Leur lien naissant n’échappe pas aux villageois qui vont soupçonner Bartek d’être gay et d’avoir une liaison avec Dawid. C’est peu dire quand dans ce coin reculé de Pologne l’amour entre garçons est mal vu et le quotidien du gentil Bartek va progressivement se dégrader, l’amenant à devoir faire à un choix : rester, se conformer, ou délaisser les siens et s’affranchir. 

Par le milieu rural et agricole où prend place son intrigue, Elephant (titre en référence à une très jolie et mignonne scène du film) peut faire penser à des longs-métrages comme Seule la terre, Brokeback Mountain ou Ander. La thématique de la difficulté à vivre son homosexualité en milieu rural est ici abordée avec la spécificité que cette campagne là est polonaise. 

Les amateurs de romances trouveront leur compte en suivant la passion naissante entre Bartek et Dawid, deux beaux personnages complémentaires. Bartek est un garçon vulnérable, délicat, infiniment gentil, timide et qui a le sens des obligations. Dawid est plus indépendant, pense avant tout à son bien être, a un côté rebelle et impulsif, est plus sûr de lui. La tension sexuelle est palpable, elle monte progressivement et se concrétise par quelques scènes assez torrides (avec des bruitages accentués). 

L’amour de deux garçons, l’incompréhension, la haine et la bêtise des autres : le sujet n’est pas nouveau et le réalisateur Kamil Krawczycki ne cherche pas forcément à innover ici. On devine un récit personnel, qu’il retranscrit avec minutie et en s’appuyant sur ses deux interprètes. Dans le rôle de Bartek, Jan Hrynkiewicz est très touchant et on comprend son dilemme (il réalise qu’il ne pourra pas être lui-même dans cette campagne qu’il n’a jamais envisagé de quitter, il tient à rester là pour sa mère mais en même temps il comprend aux côtés de Dawid qu’un futur plus heureux pour lui pourrait bien être possible). Et le magnétique Pawel Tomaszewski est parfait en objet de désir libérateur. Tout serait presque plus simple si Dawid décidait de s’installer dans le coin mais il est hors de question pour lui de se poser à nouveau au milieu d’un endroit où son homosexualité est reniée et bafouée… 

Trame classique, réalisation sensuelle et sensible, comédiens avec une belle alchimie et en prime une bande-originale bien choisie : Elephant est une romance gay lo-fi qui ne révolutionnera pas le genre mais qui ne manque pas de qualité et de jolies scènes d’amour. On finit par être emporté. 

Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris 2022