DIS-MOI OUI (Siempre sí) de Alberto Fuguet : explorer 

By Gaspard Granaud | 4 mars 2024

Réalisateur du très aimé ici Cola de Mono, le chilien Alberto Fuguet a sorti en 2019 Dis-moi oui (Siempre sí pour le titre original, Always say yes pour le titre international). Ou la virée à Mexico d’un jeune gay qui le temps d’un week end va délicieusement se perdre dans le plaisir… 

Héctor (Gerardo Torres) est un jeune gay mexicain d’une vingtaine d’années. Il n’a peut-être pas un corps d’Adonis comme il le dit mais il déborde de charme. Suivant depuis un moment le travail d’un photographe gay spécialisé dans les portraits homoérotiques, il se lance pour défi d’aller à sa rencontre à Mexico et de poser nu pour l’occasion. Il compte franchir le cap avec un ami proche qu’il doit retrouver sur place. Mais quand il arrive à Mexico, l’ami en question s’est dégonflé. Héctor se retrouve alors seul dans cette ville qu’il ne connait pas, très différente de la petite bourgade où il a toujours vécu. 

Quitte à se retrouver seul, Héctor décide d’explorer la ville (où tout lui fait penser au sexe) et de s’amuser avec de beaux inconnus. Garçons de son âge ou daddies, il se laisse porter par son seul désir. Il se dit que cela constituera une bonne mise en bouche avant sa séance photo, libérant son corps de toutes les pressions. Directement à son hôtel, dans la rue, dans un sauna gay, dans un bar… les rencontres se multiplient au fil des heures et Héctor exulte en s’acoquinant avec des mâles plus stimulants les uns que les autres… 

Le projet, indépendant, presque expérimental dans sa forme (le réalisateur indique les différents filtres qu’il utilise, s’amuse avec quelques gadgets), est dédié à deux artistes : Luis Zapata (dont est cité l’oeuvre El vampiro de colonia Roma plusieurs fois) et Joe Dallesandro (pour s’être illustré dans la trilogie Warhol / Morrissey et notamment le film Flesh). On peut rajouter un petit côté post Nouvelle Vague, Alberto Fuguet nous invitant à une déambulation presque en temps réel aux côtés de son personnage principal auquel tout semble pouvoir arriver. Le but est de se laisser dériver au gré des rencontres masculines et du plaisir. 

Les mauvaises langues ou ceux qui ne sont pas plus portés sur le sexe que ça auront vite fait de dire que le film ne parle de rien ou qu’il n’est qu’une accumulation de scènes à la lisière du x (la représentation des étreintes est volontairement explicite). Et pourtant… Si ici on aime regarder certains films adultes c’est justement car souvent le cinéma a du mal à parler justement de sexualité et à capturer ce que la sexualité peut dire de nous, exprimer. Et c’est la grande réussite de ce projet, de nous montrer l’ivresse des rencontres passagères, la libération des corps, le jeu de séduction, la camaraderie dans les rapports, la façon dont les pulsions peuvent subitement altérer la réalité, le monde dans lequel nous vivons. 

Héctor apparait comme une page blanche qui à chaque rapport s’offre la possibilité de se renouveler, se réinventer, s’appropriant de plus en plus son corps alors qu’il le frotte aux autres, de plus en plus joueur. Plus le film passe plus son charme opère sur le spectateur. C’est qu’Alberto Fuguet sait particulièrement bien insuffler quelque chose de suave, de la sensualité, dans les rapports les plus crus et directs. Le temps d’une parenthèse entre mecs, les solitudes s’annulent et tout se suspend. Libérée, délicatement fétichiste, l’oeuvre propose une contemplation du plaisir éphémère en en scrutant les plus infimes détails. 

Si le plaisir et la libération du corps sont les obsessions évidentes du projet, il capture aussi et surtout ce que cela fait quand on arrive dans une nouvelle ville inconnue et que l’on décide d’en profiter pour explorer. Autant que les corps, Héctor découvre les endroits gays locaux, se laisse émerveiller par ce qui peut survenir dans la rue, profite d’un moment spécial où il se retrouve seul avec lui-même, son image, ses désirs. Les choses ne se passeront pas comme prévues, rien n’est garanti, figé, dans cette belle petite aventure qui devrait résonner très fort chez certains. En bonus, une belle brochette de mâles plus fiévreux les uns que les autres, dont une apparition spéciale de Lalo Santos avant qu’il ne tourne le film Pornomelancolia. 

Film produit en 2019, disponible en DVD et VOD