FICTIONS LGBT

ABSENT de Marco Berger : désir et frustrations

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Martin (Javier de Pietro), adolescent à la plastique avantageuse, perd souvent son regard dans les vestiaires de la piscine où il fait ses longueurs. Il est notamment très attiré par son professeur de natation, Sebastian (Carlos Echevarria), un homme viril mais à l’air légèrement perdu. Une journée comme les autres commence. Martin va voir Sebastian et lui annonce qu’il craint de s’être blessé à l’œil. Bienveillant, le prof insiste pour l’accompagner à l’hôpital. Il s’avère qu’il n’y a rien de grave. Il le ramène à la piscine où un ami doit l’attendre (il doit dormir chez lui) mais il n’y a personne. Il tente alors de l’amener chez sa grand-mère mais elle n’est pas là non plus. Sebastian propose alors de l’héberger, dans le secret (car il est mineur et que cela pourrait être mal interprété). Il ne se passera rien malgré une atmosphère des plus étranges. Le lendemain, le professeur apprend que Martin lui a menti : ses parents l’attendaient chez lui et ont fini par appeler la police. Et le jeune homme d’avouer à son « bienfaiteur » qu’il l’a légèrement manipulé car il espérait « qu’il pourrait se passer quelque chose ». Ce n’est que le début d’une profonde remise en question pour Sebastian…

absent marco berger

Lauréat du Teddy Award du meilleur film à thématique LGBT du Festival de Berlin en 2011, Absent (Ausente en VO) est un long-métrage surprenant.  Marco Berger, réalisateur du sympathique Plan B, instaure dès les premières minutes un climat atypique, oppressant, tout en sublimant chaque partie du corps de son jeune interprète principal. Tout est dans le détail, les non-dits. Sensualité vertigineuse pour un début de jeu du chat et de la souris où les désirs rentrés étouffent de plus en plus. On est happés par une tension sexuelle comme on en avait plus vue, ressentie, depuis longtemps. Ambiance thriller, on ne sait pas du tout vers quoi le film se dirige et on imagine le pire (Martin pourrait être un amoureux psychopathe, un être machiavélique désireux de mettre en place un cruel chantage) tout en espérant, paradoxalement, que Sebastian craque et l’embrasse. On a rarement autant eu envie de voir deux personnages s’embrasser ou se saisir.

Dans sa première partie, Absent est extrêmement stylisé (photo magnifique, musique très présente, tour à tour enivrante ou inquiétante) et nous entraine dans un autre monde, au cœur de la prison du désir, de l’excitation et de la douleur de la frustration.  Le cinéaste a le don de tout sublimer, que ce soit la jeunesse masculine (le corps et le visage de Martin, les plans où il s’observe dans son miroir, à la fois narcissique et inquiet) ou la virilité ébranlée (Sebastian, hétéro à priori pas très sexy devient de plus en plus beau, excitant, émouvant, au fil du récit). Entre rêve et cauchemar, nous sommes ailleurs, tenus par un érotisme foudroyant.

absent marco berger

Alors que nous étions entrés dans le film avec cette sensation que tout était possible, subitement Marco Berger nous balance une grosse claque et rend tout impossible, inaccessible à jamais. Tout éclate, les fantasmes s’inversent, Sebastian se retrouve enchaîné. Passage sur le fil de la promesse du thriller au mélo : Absent est aussi puissant que déconcertant. Une vraie proposition d’auteur qui passe d’une maîtrise assez hallucinante à une conclusion risquée. On en ressort pas indemne.

Film sorti au cinéma en 2011. Disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3