FICTIONS LGBT
CHAMBRE À LOUER (Sublet) film de Eytan Fox : inoubliable séjour à Tel Aviv
Réalisateur de nombreux films à thématique gay très réussis (dont le classique The Bubble), Eytan Fox délivre une de ses plus belles oeuvres avec Chambre à louer (Sublet en VO), récit intimiste et infiniment touchant d’une rencontre entre deux gays d’âges et de nationalités différentes.
Michael (John Benjamin Hickey), la belle cinquantaine, est journaliste pour le New York Times. Il tient une chronique voyage qui l’amène à parcourir de nombreuses villes à travers le monde. Le concept est simple : il reste quelques jours et doit partager son ressenti sur une ville en évitant de faire le touriste. Le but est de délivrer un point de vue le plus authentique possible, capturer en quelque sorte l’âme des villes.
Le voici à Tel Aviv pour 5 jours. Il a sous-loué l’appartement d’un étudiant en cinéma, Tomer (Niv Nissim). Problème à l’arrivée : Tomer a confondu les dates et l’accueille dans un appart en total bordel. Michael songe à finalement prendre un hôtel mais Tomer le supplie de ne pas partir et de juste lui laisser le temps de ranger et nettoyer : il a besoin de l’argent de cette sous-location. Michael accepte.
Alors qu’il traverse une période personnelle compliquée (en couple depuis un moment avec un homme, Michael et lui ne s’accordent pas sur un projet d’enfant), le journaliste cherche plus que jamais à s’évader. Il est instantanément touché par Tomer, jeune aspirant réalisateur de films d’horreur, plein de passion, d’insouciance, vivant au jour le jour et au caractère bien trempé. Il faut dire aussi que Tomer est d’un charme absolument ensorcelant.
Le beau garçon cinéphile propose ses services de guide et une déambulation dans Tel Aviv commence. Ces deux gays qui appartiennent à deux générations différentes vont petit à petit sympathiser. Michael, réalisant que Tomer n’a pas vraiment d’endroit où dormir pendant son séjour, va lui proposer de rester dans l’appartement et de dormir sur le canapé.
Le temps de 5 jours inoubliables, un lien précieux au-delà des cases et des mots va petit à petit se dessiner entre eux.
On arrive dans une nouvelle ville avec sa valise et on s’ouvre à l’inconnu. Avec ce nouveau film, Eytan Fox parvient à matérialiser à l’écran la sensation si particulière du voyage. Quelques jours pour découvrir une ville, s’en imprégner. On se met rapidement dans la peau du personnage principal, Michael. Un bel homme dans sa cinquantaine, un peu bourgeois et intellectuel. Un peu artiste sur les bords aussi (un roman à son actif).
Le début du film joue la carte du choc des générations avec Michael, un peu guindé et insatisfait qui arrive dans l’appart chaotique de Tomer qui s’empresse d’essayer de ranger comme un ado attardé.
C’est un de ces longs-métrages qui se basent sur le charme d’une rencontre, d’échanges, de petites choses à la puissance émotionnelle qui vous attrapent par surprise.
Le décalage entre le daddy bien sous tout rapport et un peu coincé et le jeune réalisateur de films d’horreur qui vit complètement au jour le jour suivant ses passions et ses impulsions, donne lieu à de jolies scènes tendres et amusantes. Cet échange intergénérationnel est au coeur d’une intrigue à la simplicité rafraichissante.
En très peu de temps une complicité s’instaure. Michael retrouve sans doute dans Tomer un certain parfum de jeunesse, est curieux et happé par son quotidien, ses petites manies. Bordélique, je m’en foutiste, libre comme l’air, le bogosse arty au look décontracté fascine son locataire qui, s’il n’ose se l’avouer vraiment dans un premier temps, se met à le désirer un peu plus à chaque nouvelle journée en sa compagnie.
Scindé en 5 parties (chaque jour passé dans la ville correspondant à un châpitre), Chambre à louer fait monter progressivement l’attraction en même temps qu’une certaine nostalgie avant l’heure. Eytan Fox joue parfaitement avec le trouble que peuvent ressentir les deux personnages qui s’apprécient de plus en plus. Qu’est-il en train de se passer ? Est-ce une belle et fugace amitié ? Une sensation de filiation (Michael ayant eu envie de fonder une famille sans y arriver et Tomer ayant été élevé sans père) ? Un amour dont les minutes sont comptées ? La réponse c’est que c’est un peu tout ça à la fois.
Il n’y a absolument rien à jeter dans ce très beau film, entrainant, finement écrit (les dialogues sont un régal, le petit comique de situation marche à tous les coups), d’une infinie douceur et tendresse… et doté aussi d’une certaine tension sexuelle. Le charme magnétique du comédien Niv Nissim fait assurément son effet et insuffle un trouble discret mais permanent dans chaque scène.
Il y a des étincelles entre les deux personnages, une alchimie, une magie. Ce qui fait que comme eux on n’a absolument pas envie que leurs balades ne s’arrêtent. On tombe amoureux de chacun d’eux, on ne veut pas les quitter ou qu’ils se quittent.
On a l’impression de vivre ce voyage, cette rencontre, on sort nous aussi de notre routine et du réel, on tombe sous le charme. La mise en scène est douce et sensuelle, la bande-originale, dès les premières secondes, est parfaitement choisie.
Ce faussement modeste et imparable mélange des thématiques d’Eytan Fox à des atmosphères rappelant des films magnifiques comme Weekend ou Call me by your name, marque durablement. L’effet d’une rencontre inoubliable qui donne à la fois envie de pleurer et de sourire en même temps quand on y repense. Coup de coeur.
Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris 2022. Disponible en DVD aux éditions Optimale et en VOD