FICTIONS LGBT

D’HOMMES À HOMMES de Gérard Gregory : en ménage avec un 100% actif  

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On pensait que D’hommes à hommes, film x gay réalisé par Gérard Grégory (sous le pseudonyme Gréco de Beauparis) était perdu à jamais. Mais en 2023, grâce au spécialiste du porno gay français Hervé Joseph Lebrun qui en a retrouvé un télécinéma, ce long-métrage fait son grand retour. Le Festival Chéries Chéris 2023 va être l’occasion de (re)découvrir ce film sur grand écran. Une occasion rare, la dernière date de projection du métrage datant de 1978 ! 

Pas de faux suspense : ce film français rejoint d’emblée la liste des films x gay cultes des années 1970-80 comme avant lui New York City Inferno ou Equation à un inconnu. Et confirme qu’il n’y avait pas que les réalisateurs étrangers (comme Wakefield Poole, Peter de Rome ou les productions Bijou Films) qui proposaient de vrais films de cinéma pour adultes à cette période. 

d'hommes à hommes gérard gregory

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D’hommes à hommes commence devant le château de Vincennes où nous retrouvons Gabriel (Julien Cubano), tranquillement installé sur une chaise. C’est alors que débarque un très charmant et viril inconnu, Paul (Claude Loir, ici sous le pseudonyme Ghislain Van Hove ), qui se met à tourner autour de lui en le scrutant. Pas du genre à prendre des gants, Paul demande à Gabriel s’il a besoin d’être assis car il n’y a qu’une chaise et qu’il aimerait bien en profiter. Gabriel cède se place et c’est alors que Paul lui demande une cigarette. Il n’en a pas. Paul sort alors un paquet de cigarettes et lui demande s’il a du feu. Ce à quoi Gabriel rétorque qu’il n’en a pas puisqu’il ne fume pas. Décidément sans gêne, Paul lui balance « C’est pas une raison, cherchez-en », ce à quoi Gabriel rétorque « Et puis quoi encore ? Peut-être que je te taille une p*pe ? ». Silence. Regard franc, droit et dominant de Paul : « Et pourquoi pas ? »

Dès cette scène d’ouverture, Gérard Grégory matérialise avec brio le charme d’une rencontre dans la vie d’un Paris du quotidien entre deux mecs au look ordinaire… et pose Claude Loir, l’interprète du personnage de Paul, en mâle viril iconique. Le long-métrage est clairement à la gloire de ce beau mec qui était l’un des acteurs phares des productions x françaises dans les années 1970 (il a notamment beaucoup tourné dans des productions hétéros même s’il a confessé depuis préférer les garçons). En un regard, Claude Loir attire, excite par la force, la certitude de son regard. C’est un mâle direct, dominant, qui ne s’excuse pas et qui ne se gêne pas pour prendre ce qu’il a envie de prendre et demander sans détour ce qu’il désire. 

d'hommes à hommes gérard gregory

La séquence suivante nous montre que Gabriel n’a pas pu résister à son charme : il l’a invité chez lui et ils vont aller plus loin que de simples préliminaires. La scène est torride, délicatement verbale, très incarnée, la caméra s’arrêtant comme il faut sur les visages pour apporter de l’intimité et du cérébral en plus des images explicites et des actes plus mécaniques. 

Après ce moment de plaisir, Paul va continuer de prendre ses aises. Ils viennent à peine de se rencontrer avec Gabriel qu’il se met direct à squater chez lui. Si Gabriel a à l’évidence une vie bien réglée, avec un travail qu’il ne porte pas dans son coeur mais qui paie les factures, Paul semble pour sa part vivre au jour le jour et ne travaille pas. Il s’installe chez son amant naturellement et se pose en mâle macho, se permettant de critiquer le petit déjeuner que celui-ci lui sert affectueusement avant de recommencer à le dominer au lit avec décontraction. Si Gabriel le trouve logiquement exaspérant, son désir l’amène à tout accepter. Et voilà que du jour au lendemain les deux hommes vont vivre ensemble. 

Avec authenticité et drôlerie, cette oeuvre oubliée nous fait vivre leur quotidien de « gays se mettant en ménage », leurs petites engueulades en raison de leurs personnalités opposées. Quand Gabriel part travailler, Paul reste chez lui, au lit. Et quand le téléphone sonne, il décroche et se met à converser avec l’ex de Gabriel qu’il finit par allumer et inviter dans l’appartement le soir-même. L’ex débarque avec un ami-amant à lui, le très bon chic bon genre et séduisant Jean-Pierre (Robert Sanchez) ainsi qu’un jeune mec qu’ils ont rencontré au bois. 

d'hommes à hommes gérard gregory

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Après une petite soirée à boire et goûter le pâté familial de Gabriel, les mecs commencent à se rapprocher. Le jeune mec part et une petite partie à 4 très chaude et sensuelle se lance. Le filmage intimiste et le charme très naturel des acteurs fait son effet. Robert Sanchez embrase l’écran. 

A un moment, l’assemblée chambre gentiment Paul qui refuse d’adopter la position de passif, clamant qu’il ne fait pas ces choses-là avec un dédain même pas masqué. C’est son rapport à sa masculinité, son homosexualité et sa sexualité tout court qui va s’avérer être au centre du film. Comme le titre l’indique, une relation gay est par essence une relation d’homme à homme, d’égal à égal si l’on veut. Et dans un premier temps, Paul ne semble pas vouloir l’admettre, se pensant au-dessus de ses partenaires, littéralement. 

Le temps va passer et son attachement à Gabriel va grandir même s’il va bien se garder de le lui montrer, préférant être dans sa posture de mâle alpha indépendant et semblant constamment indifférent. Ainsi, quand Gabriel refuse de l’amener chez sa mère pour la lui présenter, Paul menace de le tromper. « Encore faudrait-il que tu trouves » lui lance comme une pique Gabriel. 

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Paul, en bon cavaleur, va bien essayer de tromper son homme mais va passer une soirée décevante dans un peep show puis dans un hôtel miteux où il va essayer de prendre du bon temps avec des gigolos (en les payant avec de l’argent volé à Gabriel !). A sa plus grande surprise, il va se rendre compte que le sexe mécanique n’est pas pour lui et que son compagnon lui manque. Suit une très belle scène nocturne et cinématographique, en travelling, où Paul marche et court pour « rentrer chez lui ». Le film s’achève alors qu’il décide de devenir passif pour son compagnon et que la dynamique sexuel du couple s’inverse de façon assez amusante et jouissive. 

S’il remplit parfaitement son contrat pornographique et est globalement stimulant dans ses scènes explicites parfaitement incarnées, D’hommes à hommes se distingue par son filmage sensoriel, intimiste et sa façon de poser un duo de personnages très attachants et auxquels beaucoup de gays pourront encore aujourd’hui s’identifier. On prend beaucoup de plaisir à découvrir ce film et à tomber amoureux au passage du magnétique Claude Loir. 

Claude Loir est par ailleurs à l’honneur en cette année 2023 puisque outre la remise en lumière du trésor perdu que constitue D’hommes à hommes, il vient de sortir un livre avec ses mémoires, intitulé Confessions païennes (éditions Hors Champ) où il raconte sa vie dans le Paris interlope des années 1960 et 70. 

D’Hommes à Hommes sera à l’honneur lors du festival Chéries Chéris où il sera projeté Dimanche 19 novembre à 21h45 au MK2 Beaubourg en présence de Claude Loir mais aussi du réalisateur du film Gérard Grégory, d’Hervé Joseph Lebrun qui a retrouvé le long-métrage pour nous l’offrir et de Damien Roger l’éditeur du livre de Claude Loir. Un moment de cinéma unique à ne surtout pas rater ! 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3