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Enchantée Julia, EP « Longo Maï » : l’amour et la douceur

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Enchantée Julia vient de sortir son deuxième EP intitulé Longo Maï et la réussite est totale. Il n’y aura pas assez de mots et d’adjectifs pour retranscrire ce que ce disque procure. Il est d’une infinie douceur, il va droit au coeur. Il y a les artistes qu’on aime bien et puis il y a les artistes qu’on aime tout court, passionnément, de façon quasi indéfectible. Enchantée Julia entre pour popandfilms dans cette catégorie, rare et précieuse. Il y a une magie qui fait que chaque chanson qu’elle sort fait l’effet d’un cadeau, une nouvelle perle, une mélodie dont on sait instantanément qu’elle va nous accompagner longtemps. Et quand une artiste touche autant, l’auteur de ces lignes a envie de parler à la première personne alors… 

J’ai découvert Enchantée Julia au Mama Festival de 2019. J’avais entendu d’elle le morceau Montreuil-Chapelle que je trouvais cool et j’avais été voir son set par curiosité. Il s’est passé quelque chose qui n’arrive pas tous les jours. Quand on découvre un projet en live, il est rarissime que TOUS les morceaux vous plaisent et/ou vous fassent quelque chose et c’est ce qui s’est passé à ce moment-là. Je suis reparti et j’ai foncé sur Spotify pour écouter tout ce qu’il y avait. Pour qualifier sa musique, les médias disent généralement que c’est de la soul, de la neo-soul ou du r’n’b. Il y aussi quelque chose d’autre qui échappe aux genres. Sa voix, évidemment, magnifique, douce, unique. Elle apaise, elle fait du bien, elle caresse et atténue les maux, réconforte, soigne tout en amenant ailleurs et en donnant envie de chanter avec elle. 

Enchantée Julia a ensuite sorti un premier EP addictif, Boucle, et j’ai commencé à la suivre, le plus possible, en assistant à la majorité de ses dates parisiennes. En trois ans, sa musique à évolué en douceur. L’ADN reste le même, ses influences hybrides allant d’Erykah Badu, D’Angelo à Nougaro en bandoulière, elle a pris le temps d’explorer, de rencontrer et de tailler avec la complicité de producteurs géniaux son diamant. Longo Maï est désormais là et c’est tout simplement un trésor ! Il en émane quelque chose de très beau et d’essentiel, comme la poésie musicale de son artiste qui mélange mieux que personne la sophistication à l’authenticité. 

Ce disque qui déborde de tendresse et de love, Enchantée Julia le dédie à sa moitié avec qui elle a traversé tous les hauts et les bas ces dernières années. Et cette force des sentiments se ressent dans les morceaux car il y a ce je ne sais quoi de l’ordre de l’apaisement, comme si portée par les belles choses qu’elle vit, par les épreuves surmontées, Enchantée Julia s’occupait maintenant de nous en passant par nos petites oreilles. 

La douleur est pourtant bien là dans les textes. Et c’est le cas dès le morceau d’ouverture, VENUS, produit par Oscar Emch et Bastien Cabezon. Ce qui est raconté n’est pas jojo : « Pour voyager il faut des thunes baby (…), plus j’ai mal plus les larmes deviennent des fleuves, plus t’es loin plus j’ai peur, l’émotion agit comme un poison dans le coeur ». Mais tout cela est chanté avec une douceur qui efface tout ce qui pouvait être négatif. La beauté d’une guitare qui produit des rayons de soleil magiques et caressants, une voix aérienne, des gimmicks entêtants et voilà : malgré la tristesse on se sent comme un Bisounours. Et on fait le choix de ne retenir que ce couplet poétique « Les étoiles et la lune plongées dans le miel ». Le miel, nombreux le citent en parlant de la musique d’Enchantée Julia, une façon de pointer l’effet que procure ses sons. Une véritable guérisseuse musicale. Vénus est un titre soul à l’élégance intemporelle qui s’achève par un petit emballement instrumental du plus bel effet : le décor est planté, ce disque il va nous faire kiffer !

Le deuxième morceau, Plus fort que moi, est plus léger côté paroles. Il a un je ne sais quoi de plus printanier. Il fait songer au début des histoires d’amour et autres passions. C’est plus up tempo, on sent davantage de pulsations et d’excitation. Le désir, l’aspect ludique, l’attente, les projections. Le texte a été co-écrit avec le super Fils Cara, à la production on retrouve les poètes de Terrenoire et Bastien Cabezon. Last but not least : Oscar Emch est à la guitare / basse. Alliance parfaite. Le refrain claque et donne envie de chantonner direct, d’aimer, de rouler des pelles et de se perdre dans l’ivresse du jeu des sentiments. 

Piste 3, Moussa : la pièce maitresse du disque, une déclaration d’amour qui mouille les yeux et qui ne cesse de prendre de l’ampleur au fil des écoutes. C’est produit par The Hop et que dire à part que cette chanson ne vieillira jamais. Elle est touchée par la grâce, par ce que les sentiments ont de plus pur. Splendeur de l’épure, texte en mode mise à nu : c’est si personnel et tellement fait avec le coeur que ça donne lieu à ce petit miracle qui fait qu’on touche à l’universel. On a envie de chanter ça à son grand amour, de l’envoyer aux personnes qui nous sont chères, comme une déclaration. Un énorme câlin musical. 

S’appuyant sur des sonorités plus r’n’b, Questions a été produit par le génie Crayon (le co-auteur de cet album chef-d’oeuvre). Le texte raconte une sorte de ras le bol aussi bien côté sentiments (« Rien attendre en retour, pleurer pendant des jours, si le coeur en vaut le détour (…) Plus de peur que de mal, plus de coeur plus d’émotion ») que dans le processus artistique (car on le sait bien, être artiste indé c’est pas la joie tous les jours). Ce titre a un peu une autre couleur que les autres, il est plus hybride et il réserve son petit lot de surprises comme cette montée subite qu’on n’avait pas vue venir et qui agit comme un arc-en-ciel. Soudain « Et quand tombe la pluie, sur les plaies on appuie, tout au long de la nuit ». Et bordel ce genre de détour c’est pour ça qu’on aime la musique, c’est tellement beau ! (J’avoue je me repasse juste ce passage, encore et encore, depuis la sortie de l’EP parce qu’il me fait l’effet d’un grand amour qui surgit de nulle part, d’un petit cadeau tombé du ciel). 

Longo Maï est le titre de l’EP et c’est aussi celui du quatrième morceau. A nouveau The Hop à la production et à nouveau le kif total. Oublier toutes les galères et se laisser porter par la force de l’amour dans ce qu’il a de plus large. Avec cette nouvelle pépite, l’autrice-compositrice prend du recul, invite à prendre le temps de savourer, à penser à toutes les personnes qui nous font du bien. On se souhaite l’amour et la santé, ça peut paraître bête mais quand on a flirté avec la peur de disparaitre ou de voir quelqu’un de cher nous quitter, on le ressent différemment. Encore une fois on se laisse bercer par la mélodie. Le rappeur Benjamin Epps amène son flow viril dans la forme et moelleux comme un ourson à la guimauve dans le fond. 

On arrive à l’avant-dernier morceau, SOS, et j’avoue que c’est mon préféré depuis que j’ai découvert l’EP dans sa globalité. C’est celui qui m’a le plus donné envie de chanter, qui dès les premières notes m’a complètement envoûté côté mélodie. Il donne l’impression de baigner du début à la fin dans la lumière et ses petits échos me donnent le frisson à tous les coups. En terme d’arrangements, c’est la perfection totale, bijou soul à écouter sans modération. Et une fois de plus on s’étonne en regardant de plus près les paroles : c’est beaucoup plus à vif que ça en a l’air. Les mots chez Enchantée Julia ce sont souvent les maux (« J’essaye d’oublier ce sentiment, la douleur s’atténue avec le temps, mais j’te pardonne pas ») et elle les dépasse avec la musique, sa baguette magique qui transforme les tourments en torrents de douceur. 

Pour le final, l’artiste passe en mode chanson le temps d’un duo avec Terrenoire. Une conclusion qui ouvre sur d’autres possibilités musicales. C’est très fidèle à l’univers onirique et romantique de Terrenoire. Ça sonne comme la meilleure conclusion qu’on aimerait tous vivre : un cheminement vers l’amour, le grand, le vrai, l’essentiel. L’envie de dire « J’aime tout chez toi » autant que « J’aime toucher toi ». La plénitude. On passe de l’habituel soleil qu’on imagine habituellement à l’écoute des créations d’Enchantée Julia aux étoiles et à la lune. 

Pour que je m’étale autant, tu l’auras deviné : cet EP pour moi il est absolument parfait, il ne va pas me lâcher, c’est une des plus belles choses que j’ai pu écouter cette année. Que dire de plus à Enchantée Julia si ce n’est qu’on aime tout chez elle et dans sa merveilleuse musique.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3