FICTIONS LGBT
GENERATION saison 1 : une série ado moderne, queer et très bien écrite
Produite par Lena Dunham de la série Girls, créée par Daniel et Zelda Barnz avec la complicité de nombreux témoignages d’ados, Generation séduit par sa première saison, avec un casting dément et de grandes qualités d’écriture. Les amateurs du genre ne devraient pas être déçus.
Une petite ville américaine. Chester (Justice Smith, grosse révélation de la série qui casse son image lisse après le film Detective Pikachu qui l’avait révélé) est un ado gay, queer et fier. Populaire dans son lycée, il se plait à provoquer l’administration et est proche de l’expulsion pour « violation du code vestimentaire ». Son école le trouve outrageux car il ose débarquer dans la cour en crop top, du vernis sur les ongles, avec des tenues pour le moins sexualisées. On lui colle un conseiller scolaire sur le dos, Sam (Nathan Stewart-Jarrett, de la série The Misfits), un homme qui comme lui est noir et gay. Un conseiller cool et moderne dont Chester va un peu trop s’amouracher, jouant avec les limites.
Autour de cet adolescent qui se fiche du regard des autres et impose avec fierté sa forte personnalité et son exubérance, une bande de jeunes qui comme lui sont dans l’âge de l’adolescence, où ils se cherchent, vont vivre leurs premières histoires d’amour, de sexe et déboires en tous genres.
Il y a Nathan (Uly Schlesinger, trop choupi) et sa soeur Naomi (Chloe East, très chipie). Ils grandissent au sein d’une grande maison bourgeoise avec des parents qui le sont tout autant. Leur mère, la faussement bienpensante et réellement psycho-rigide et control freak Megan (démente Martha Plimpton) est tout le temps en train de leur dicter quoi faire et d’essayer de s’infiltrer dans leur vie. Pas de chance pour elle qui voudrait correspondre à la petite famille américaine parfaite : Nathan va se révéler être bisexuel et Naomi finira par tester les joies du trouple. De quoi donner lieu à des affrontements et des situations souvent caustiques.
Il y a également Riley (Chase Sui Wonders), adolescente cool, belle et tourmentée qui refuse de voir l’état de détresse psychologique dans laquelle elle se trouve. Pour fuir ses soucis familiaux (une mère qui la délaisse et un père qui refait sa vie avec une femme nettement plus jeune), elle s’oublie dans les bras de garçons de passage. Son identité sexuelle va être ébranlée alors qu’elle va se rapprocher de Greta (Haley Sanchez), une fille qui en pince pour elle et dont la pureté va à la fois lui faire peur et aussi l’attirer puis la bouleverser.
Parmi les fortes têtes du lycée, on ne peut pas non plus échapper à Arianna (Nathanya Alexander, autre grosse révélation du show) dont les punchlines très directes et parfois dérangeantes ne laissent jamais de marbre. Élevée par deux papas gays, elle se plait à jouer avec leurs nerfs et à faire des déclarations un peu limites. Confidente du groupe, elle va petit à petit essayer de trouver sa propre place, non sans heurts.
Il y a enfin Delilah (Lukita Maxwell), que l’on retrouve en ouverture de la série dans une situation pour le moins improbable : elle réalise au bout de 9 mois qu’elle est enceinte et va devoir accoucher dans les toilettes d’un centre commercial !
Le temps de quelques semaines, nous allons suivre l’évolution de cette bande éclectique et très attachante.
Certains ont comparé à tort Generation à Euphoria. Mis à part le fait qu’elles parlent toutes les deux d’adolescence avec une sensibilité très LGBT-friendly et une réelle modernité (on est à des années lumières de Young Royals ou la saison 2 de Love, Victor, très à l’ancienne dans le traitement de l’homosexualité), elles n’ont finalement pas grand chose en commun. Generation soigne moins le côté atmosphérique et est peut-être moins une claque esthétique que sa grande soeur mais elle est loin d’être négligée plastiquement pour autant. La réalisation a plutôt une touche de film indé, avec des couleurs chaudes et estivales. Mais surtout Generation est peut-être l’une des séries ados les mieux écrites qu’on a vu passer depuis la décennie écoulée.
Les personnages sont à la fois réalistes, originaux, touchants et drôles. Le casting est dément à tous les niveaux, des premiers aux plus petits rôles (notons parmi les seconds le très chouette personnage de la tante de Greta, Ana, campé par Nava Mau) et irradie l’écran de son charisme. La série frappe par sa franchise, sa modernité, sa liberté de ton.
Très LGBT-friendly, l’ensemble met en scène l’adolescent gay le plus fier et le plus queer qu’on ait jamais vu jusqu’alors à la télévision sous les traits du dément Chester incarné par Justice Smith. Pour une fois, celui qui aurait habituellement été la victime d’homophobie dans la cour d’école pour son extravagance et sa part de féminité assumée est montré comme l’un des élèves les plus cool et populaires. C’est le mec avec qui il faut traîner et ça fait tellement du bien de voir ça, loin de toutes ces histoires de coming out douloureuses et sur-dramatiques ! Un beau message d’espoir, l’envie de montrer une jeunesse qui s’affranchit des sempiternelles codes et diktats.
On le sait, tout n’est évidemment pour autant pas toujours rose quand on fait son coming out adolescent et en miroir, Generation montre un coming out bisexuel bien plus compliqué mais avec un angle qui flirte de façon géniale avec la comédie. Autre pièce maîtresse de la série, le personnage de Nathan et sa relation conflictuelle avec sa mère arriérée Megan, donne à cette première saison une flopée de scènes drôles, jubilatoires et improbables.
La série aborde aussi l’homoparentalité, une romance lesbienne et dans sa dernière partie laisse présager d’un segment autour du sujet rare de l’asexualité. Cette production au charme indé et à la bande-originale sophistiquée et dans l’air du temps regarde devant, vers aujourd’hui et vers le futur, plutôt que vers la nostalgie. Les personnages sont singuliers, l’écriture témoigne d’une folie douce irrésistible et d’une sensibilité à fleur de peau. On n’a tout simplement plus du tout envie de quitter cette bande à laquelle on a l’impression d’appartenir, montrée avec une précision qui relève parfois du documentaire même si la mise en scène ne lésine pas sur des effets très chouettes, notamment sur les différences de points de vue et de temporalité. Une grosse bouffée d’air frais dans un genre qui a parfois tendance à céder au soap et à la facilité.
Grâce à son regard unique et sa plume toute en finesse, Generation se hisse parmi les plus grandes réussites du genre de ces dernières années, aux côtés d’Euphoria et We are who we are. On espère vivement qu’une deuxième saison arrivera.
Série diffusée aux Etats-Unis en 2021. En attente à l’heure de l’écriture de ces lignes d’une diffusion française (mais que font les plateformes ?!)