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LA LOI DU DÉSIR de Pedro Almodóvar : entre pureté et folie

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Pablo Quintero (Eusebio Poncela) est un réalisateur à succès. Il entretient une romance passionnée et dévorante avec Juan (Miguel Molina) , un garçon plus jeune . Ils s’aiment mais se font du mal, Juan s’en va. Ils s’envoient des lettres, se manquent, mais ne parviennent pas à vivre leur relation dans la sérénité. Pablo met en chantier un nouveau projet de cinéma et il offre le rôle principal à Tina (Carmen Maura) , sa sœur, qui jadis était un homme. Cette dernière est folle de joie : jouer lui permettra de sortir de son quotidien sans amour, ses fantômes du passé. Les choses basculent alors qu’entre, par intrusion, dans la vie de Pablo, Antonio (Antonio Banderas). Un garçon des quartiers populaires qui refoule son homosexualité mais qui ne peut s’empêcher de lui sauter au cou. Aimant pour la première fois, il devient obsessionnel et fou de jalousie quand il découvre le lien qui unit Pablo et Juan. Il va alors tout mettre en œuvre pour avoir l’homme qu’il aime rien que pour lui. Quitte à l’étouffer et , aussi, quitte à devenir un criminel…

la loi du désir almodovar

Il est intéressant de découvrir ,plusieurs décennies après sa sortie, La loi du désirPedro Almodovar est un des rares cinéastes parvenu à rassembler régulièrement critique et grand public. Ses œuvres disposent toujours d’un cachet « classique » et très moderne à la fois. Et on se rend compte que ce film-ci a un peu vieilli, que le kitsch de certaines scènes, certains décors, font datés. Pourtant, La loi du désir reste un grand film, qui ne cesse de captiver.

Bien entendu, le désir n’a pas de loi. On peut aimer quelqu’un tout en ne parvenant pas à être avec lui (comme Pedro et Juan), on peut développer un amour puissant pour des personnes qu’il est définitivement interdit d’aimer (Tina, son passé de petit garçon qui couchait avec le curé ou se laissait embarquer dans des relations incestueuses avec son père tout en en gardant après coup un souvenir ému), on peut craquer pour son opposé (Antonio qui devient fou amoureux de Pablo alors qu’il n’a rien en commun avec lui et qu’il pourrait représenter tout ce qu’il déteste) et se laisser surprendre par ses émotions au moment le plus improbable (le magnifique final où malgré voire grâce à sa folie, Antonio touche au plus profond Pablo, pris en otage).

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Les films d’Almodovar ont toujours cette atmosphère unique, parviennent à rendre crédibles les situations les plus surréalistes, les sentiments les plus fous, borderline.  Ici, l’amour que chacun porte à l’autre lui révèle des vérités sur lui-même ou sur la vie. Impuissance, frustration, égoïsme, dépendance, solitude…Les corps s’entrechoquent, le fantasme fait perdre la tête, les identités sont troubles. Le cinéaste finit par nous entrainer dans un thriller haletant où la passion mène au crime et où un fantôme disparaît pour laisser la place à un autre.

Capable d’être dérangeant et émouvant, incroyablement sensuel (les scènes de sexe sont hooot) et montrant une certaine pureté des sentiments, La loi du désir est une œuvre audacieuse universelle, complexe, troublante.

Film sorti en 1988 / Disponible en DVD et VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3