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ROCK HUDSON, AU DELA DE L’ICONE de Stephen Kijak : la vie gay cachée de la star 

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Le réalisateur Stephen Kijak retrace l’histoire de l’iconique comédien Rock Hudson et de son homosexualité cachée dans le très beau documentaire Rock Hudson au-delà de l’icône (Rock Hudson All that heaven allowed en VO). Avec des témoignages précieux et de nombreuses images d’archives rares. 

Rock Hudson, Roy Harold Scherer Jr. de son vrai nom, rêvait d’être une star et d’une certaine façon il était persuadé qu’il allait y arriver. Il a en tout cas tout fait pour et cela incluait de sacrifier une grosse partie de sa vie personnelle. Ambitieux et déterminé, il a vite compris les codes du Hollywood de l’époque et sous la houlette de l’agent controversé Henry Wilson a créé son personnage d’icône cinématographique. Grosse carrure, virilité exacerbée, nouveau nom plus glamour : il s’est réinventé pour attirer l’oeil des producteurs et des studios qui à l’époque misait beaucoup sur la belle plastique des acteurs masculins. 

rock hudson au dela de l'icone documentaire

La suite, les cinéphiles la connaissent : il est devenu un fantasme absolu, le symbole du héros romantique, de l’homme fort américain, du séducteur. Les filles de l’époque rêvaient de lui, les magazines le mettaient en couverture et les tournages se sont accumulés, notamment les comédies et comédies romantiques qui renforçaient son image de tombeur. Cette célébrité qu’il avait recherché il a réussi à l’obtenir mais non sans sacrifices et sans heurts. 

Cinématographiquement parlant, le documentaire retrace de façon juste la carrière de cet acteur dont le talent a longtemps été sous-estimé. On l’associait avant tout à des rôles légers ou basés sur sa plastique avantageuse mais ses passages chez Douglas Sirk ou dans le film Géant ont bien prouvé que c’était un grand comédien. Il ne récoltera hélas aucune grosse distinction pour son travail et à chaque fois qu’il essaiera d’aller vers des projets plus risqués et « auteurs » cela se soldera par un échec commercial et/ou critique comme ce fut le cas avec le film Seconds. Les gens et le milieu ont voulu l’enfermer dans une case, pouvant lui donner un goût amer de « sois beau et tais-toi ». 

rock hudson au dela de l'icone documentaire

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Cela n’a empêché Rock Hudson d’accéder à la postérité car il a mine de rien tissé une filmographie riche en oeuvres cultes voire en chef d’oeuvres : Le secret magnifique, Tout ce que le ciel permet, Ecrit sur du vent et La ronde de l’aube de Douglas Sirk, sa trilogie romantique et pop avec Doris Day, Géant… 

Vers la fin de sa carrière il est devenu un peu has been. Il avait perdu de sa superbe physiquement et tournait alors pour des films de seconde zone ou pour la télévision (plusieurs téléfilms et la série McMillian & Wife). Rock Hudson au-delà de l’icône nous fait revivre toute cette carrière faite de hauts et de bas, montre le magnétisme de cette star glamour et donne envie de se replonger dans ses films ou de découvrir ce que l’on n’aurait pas encore pu voir. 

rock hudson au dela de l'icone documentaire

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Mais surtout, le sujet ici c’est la vie privée de Rock Hudson. Stephen Kijak recoupe de nombreuses interviews et rencontre une multitudes d’intervenants qui vont tenter de raconter leur lien à Rock Hudson et dessiner ainsi un portrait de lui. Il en ressort la peinture d’un homme sympathique, souriant, ambitieux qui semblait s’accommoder de sa double vie. 

D’anciens amants témoignent, d’un amour de jeunesse vite délaissé au profit de sa carrière à un compagnon avec lequel il a vécu pendant plusieurs années une histoire d’amour à l’abris des regards. D’après les différents intervenants, l’homosexualité de l’acteur n’était un secret pour quasiment aucun de ses collaborateurs. Mais à l’époque impossible d’en parler ouvertement et de l’assumer. Tout le monde était convaincu et convainquait Rock Hudson qu’il valait mieux jouer au tombeur hétéro. Quitte à lui arranger un mariage de façade avec une secrétaire pour atténuer les rumeurs et calmer les questionnements des tabloïds sur le fait qu’il était vraiment curieux qu’un tel « bachelor » puisse être encore célibataire à l’aube de sa trentaine. 

On voit des extraits de magazines de l’époque dont un qui nous montre un reportage sur le quotidien de Rock Hudson avec son « colocataire » de l’époque. On redécouvre aussi des scènes assez ironiques et méta d’un de ses films avec Doris Day où Rock Hudson jouait le rôle d’un homme faisant semblant d’être gay pour se rapprocher d’une femme… 

rock hudson au dela de l'icone documentaire

Ce que l’on retient le plus du documentaire c’est indéniablement toutes les images d’archives, notamment celles rarissimes montrant la « vie cachée » de la star. On découvre des clichés de ses week ends et vacances avec ses amis gays au bord de l’eau, de soirées entre mecs. On peut aussi découvrir la charmante demeure avec piscine où Rock Hudson organisait des après-midi festifs et délurés remplis d’éphèbes. 

S’il n’a jamais réussi au zénith de sa gloire à assumer qu’il était gay au grand jour, Rock Hudson a vécu son homosexualité avec ce qui était selon lui et la société possible à l’époque pour une célébrité de son niveau. L’avantage de l’époque était qu’il n’y avait pas autant de paparazzis, qu’il était plus facile de les contrôler (un moment du métrage revient sur comment le pauvre Tab Hunter a été pris pour cible, outé pour laisser dans le placard de plus grandes stars que lui) et que surtout il n’y avait pas de téléphone portable. On respectait davantage la vie privée de ses proches, on faisait attention, on savait garder les secrets, ce qui explique sans doute pourquoi Rock Hudson se laissait photographier avec ses amis gays. Ces quelques photographies qui ressortent constituent un véritable trésor et donnent à imaginer et fantasmer son intimité secrète avec ses amants et amoureux (on apprend au détour d’un témoignage qu’en plus d’être beau il était très bien gâté par dame nature à certains niveaux…). 

On assiste aussi au récit de ce jour où, devenu plus âgé, il a découvert les aires de cruising et endroits lubriques gays, passant tout l’après-midi avec des mecs excités n’en revenant pas pour certains de se retrouver face à cette icône virile. 

Accaparé par sa carrière, refusant de franchir le cap du coming out public, Rock Hudson n’a finalement pas fini en couple. Il a fini seul, très tristement, frappé par le Sida. Toute la dernière partie revient sur la solitude et le désespoir qui ont constitué ses derniers jours. De nombreuses personnes lui ont tourné le dos, notamment Nancy Reagan tandis que ses amis gays continuaient de le soutenir et que son amie Liz Taylor se battait pour lever des fonds pour la lutte contre le virus.

rock hudson au dela de l'icone documentaire

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Le réalisateur Stephen Kijak nous replonge dans les heures sombres des années Sida en revenant sur un épisode terrible de la carrière de Rock Hudson : déjà malade, il avait tourné des épisodes de la série Dynasty où il apparaissait très mince, marqué et fatigué. Lors d’une séquence avec la comédienne Linda Evans, il devait l’embrasser et à l’époque personne ne savait comment s’attrapait le Sida et il était mortifié à l’idée de peut-être la contaminer, faisait des bains de bouche entre les prises, refusant de mettre sa langue pour le baiser ce qui avait rendu le tournage laborieux et tendu. Linda Evans raconte ce moment horrible et aussi comment cela a affecté sa carrière : quand il a été révélé que Rock Hudson avait le Sida, les gens n’avaient plus envie de tourner avec elle car elle l’avait embrassé ! 

L’homosexualité de Rock Hudson qui a été tenue secrète toute sa vie a finalement été révélée à l’aube de sa mort, accompagnée de la nouvelle de sa maladie qui allait lui être fatale. 

Avec un bon rythme, beaucoup de nostalgie, de tendresse, de lucidité et d’émotion, ce documentaire fait défiler toute la vie d’un acteur qu’on aime encore un peu plus après ce visionnage. Cela nous rappelle mine de rien que l’on est peu de choses sur cette Terre, que tout est fugace et que les plus beaux héros peuvent eux aussi finir très démunis et seuls. Et même si l’on sort du film touchés, empreints de tristesse, on ne peut s’empêcher de garder en tête le sourire de Rock Hudson, ce diamant brut qu’il a été. 

Film produit en 2023 et disponible en VOD 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3