SAUNA , la romance queer contrastée de Mathias Broe
Critique du film Sauna de Mathias Broe – une histoire d’amour entre hauts et gros bas entre un garçon cis et un garçon trans
Pour son premier long-métrage, le réalisateur Mathias Broe raconte une romance entre un garçon cis et un garçon trans. A Copenhague, Johan (Magnus Juhl Andersen), un beau blond gay d’une petite vingtaine d’années, tente de trouver sa voie. Il gagne modestement sa vie en travaillant dans un sauna. Le directeur du sauna le loge. S’il profite régulièrement des rencontres dans ce lieu, Johan est un romantique et aspire à plus que des rencontres purement charnelles. Mais il n’est pas évident pour lui de trouver quelqu’un de sérieux.
Une rencontre inattendue
Un soir, via une appli, il fait venir un mec chez lui. C’est William (Nina Rask) et Johan n’avait pas lu son profil qui indiquait qu’il est un garçon trans. Surpris et maladroit, Johan est pris de court et intrigué par ce garçon qui a l’air sensible comme lui. Dépassant les étiquettes, ils vont se revoir et entamer une relation de plus en plus sérieuse. Mais alors que Johan découvre les nombreuses embuches de son nouveau petit copain qui entame une transition, une sorte de colère nait en lui. Il ne trouve pas ça normal que tout soit si compliqué pour William, qu’une transition demande tant d’efforts et coûte si cher. Amoureux, il se met en tête d’aider l’objet de son affection. Mais Johan est particulièrement immature et pas très futé. Pour aider William à trouver de l’argent pour sa transition (sans que celui-ci ne lui ait rien demandé), il se met à voler dans la caisse du sauna où il travaille. Une première erreur qui ne sera malheureusement pas la dernière…
L’amour, la colère et le danger
Quand tout le système est contre la personne que vous aimez, vous pouvez sentir la révolte monter. Mais il y a des révoltes qui peuvent franchir la ligne rouge. Ce film sensible et assez sombre montre la naissance du Mal chez un beau gay blond qui va s’enfoncer petit à petit « par amour ». Alors que la romance entre Johan et William commence et qu’on sait que William est dans une phase complexe où il entame une transition, on se dit que les défis vont plutôt être de son côté. Mais c’était sans compter sur Johan qui se met étrangement en tête de devenir son sauveur.
On peut avoir de bonnes intentions et vraiment faire le Mal. C’est le cas du personnage principal de ce film surprenant qui ne va pas là où l’on attendait et qui suit la transformation d’un joli gay mignon vers une attitude de bad boy toxique qui est de plus en plus inquiétante. Johan est du genre sanguin, impulsif et agit constamment sans réfléchir aux conséquences ce qui l’entraîne fatalement vers tout un tas de situations périlleuses. Il veut bien faire mais il fait tout de travers. Ainsi, pensant passer un bon moment avec son chéri trans il l’emmène dans le sauna où il travaille sans réaliser que cela va poser problème car l’endroit n’est pas inclusif et strictement réservé aux hommes gays cis. Ca n’est pas cool du tout (et c’est l’occasion pour le film de dénoncer le manque d’inclusivité de certains endroits gays) mais Johan aurait peut-être dû y penser et se renseigner avant de plonger son partenaire dans une situation très désagréable. Plus tard, pour l’aider dans sa transition, il vole dans les caisses du sauna… alors que le gérant est la personne qui lui a donné son logement. Johan ne réfléchit pas et se laisse de plus en plus guider par une rage croissante.
Un portrait à la fois touchant et inquiétant
Il y a quelque chose de triste et douloureux dans ce film joliment réalisé et très bien interprété. On ressent la difficulté pour un garçon trans de s’émanciper dans une société qui n’aide vraiment pas encore comme il le faudrait les personnes trans. Et on suit aussi et surtout l’ambivalent personnage de Johann qui tombe amoureux pour la première fois et qui n’a d’égal à sa naïveté qu’une certaine immaturité pour ne pas dire bêtise. Il fait un peu penser à un chiot mignon un peu débile qui vient vous voir après avoir saccagé tout votre salon, minaudant en sachant qu’il a fait une bêtise et le comprenant trop tard.
Le film s’appuie sur le point de vue de ce personnage très nuancé dont la solitude et la quête d’amour nous touche dans un premier temps avant qu’il se mette à nous inquiéter de plus en plus par ses choix plus que discutables.
Une réflexion sur l’injustice et l’exclusion
Habilement, par petites touches, Sauna montre comment les injustices peuvent faire ressortir le pire et la violence chez les humains. On finit par comprendre que Johan est en forte carence affective, qu’il est déséquilibré. Il n’arrive pas à trouver sa place et cela le consume. Le milieu gay est trop dur pour lui et l’univers de William qui ne traîne qu’avec des personnes queer et trans afin de se sentir safe ne lui tend pas franchement les bras. Se sentant incompris, assoiffé d’amour, Johan se plonge tout seul dans une spirale infernale. Un portrait intéressant et qui donne à réfléchir.
Film produit en 2025
Présenté au Festival Chéries Chéris 2025