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ENFANT TERRIBLE de Oskar Roehler : monstrueux Fassbinder
Le réalisateur Oskar Roehler se lance avec le film Enfant Terrible un sacré défi : réaliser un biopic sur le génie et cinéaste culte Rainer Werner Fassbinder (auteur entre autres du Droit du plus fort, Les larmes amères de Petra von Kant ou encore Querelle). Le moins qu’on puisse dire est que le portrait délivré est sombre et peu flatteur…
Le long-métrage suit Rainer Werner Fassbinder (Oliver Masucci) alors qu’il est un jeune artiste et metteur en scène de théâtre, rebelle et incompris. Il a déjà autour de lui sa bande de fidèles qui vont le suivre tout au long de sa carrière.
Bedonnant, un peu crado, quasi toujours la clope au bec, constamment sous alcool ou drogue, l’artiste n’en a rien à faire des codes, des normes et entend faire son propre art. Il n’a peur de rien ni de personne, impose ses choix et sa loi. Complètement tyrannique, il passe son temps à humilier ses collaborateurs et proches et à hurler.
Les fans de Fassbinder pouvaient déjà savoir que l’auteur était un homme complexe, névrosé, dur et intransigeant. Ce biopic stylisé (qui se plait côté forme, comme un hommage, à naviguer entre les esthétiques propres au cinéaste et au théâtre) y va toutefois vraiment fort dans sa peinture d’un homme profondément destructeur et extrêmement toxique pour son entourage. S’il était doué pour créer des oeuvres fortes et humanistes, Fassbinder est ici montré comme une personnalité manquant terriblement d’empathie, se plaisant à absolument tout détruire. Seul son art y échappe, donnant lieu à de grands films mais pour le reste c’est un carnage ! Rainer n’en fait qu’à sa tête, utilise et bafoue ses plus proches amis et surtout embrase et démolit les hommes qui vont devenir ses amours et ses muses.
Enfant Terrible s’attarde notamment sur les romances entre le cinéaste et El Hedi Ben Salem (Erdal Yildiz) et Armin Meier (Jochen Schropp). Des hommes virils, collant au fantasme de Fassbinder pour les « hommes du peuple » et autres ouvriers. Ils vont lui ouvrir leur coeur et en subiront les terribles conséquences. Le seul qui échappera aux griffes de l’amant névrosé sera Günther Kaufmann (Michael Klammer) car il ne tombera pas sincèrement amoureux de Fassbinder, étant hétéro et ne jouant de ses charmes que pour décrocher des rôles.
L’ensemble dure environ 2h14, c’est parfois trop long et hystérique, la vision du film n’est franchement pas confortable, faisant l’effet d’un lent cauchemar. Oskar Roehler nous fait ressentir tout le mal-être de son personnage-sujet qui ne peut s’empêcher de tout casser avant de pleurnicher comme un enfant une fois que l’irrémédiable se produit. Il n’est pas toujours évident de ressentir une forme d’empathie pour le protagoniste principal qui est tellement violent et détestable qu’on a juste envie qu’à un moment quelqu’un lui colle une claque et le force à aller en centre de désintox.
Si l’oeuvre n’est pas facile à suivre, elle est au final sans concession comme pouvait l’être Fassbinder lui-même et en cela on peut la trouver réussie. Ce voyage au coeur des ténèbres de la création nous fait en tout cas survoler quelques oeuvres phares d’un cinéaste indispensable avec un certain brio.
Film produit en 2020 et présenté lors de la 27ème édition du Festival Chéries Chéris
